Politique




Victoire Dogbé  : l’étoile filante de la Cinquième République

Togo : naissance d'une cinquième république controversée, fin de mandat pour la première ministre Ce 3 mai 2025, Lomé s’apprête…

La démission théâtrale de Victoire Tomégah-Dogbé, Première ministre du Togo, et l’avènement d’une Cinquième République

Togo : naissance d’une cinquième république controversée, fin de mandat pour la première ministre

Ce 3 mai 2025, Lomé s’apprête à tourner une page d’histoire avec une solennité qui frôle la mise en scène. L’Assemblée nationale, docile comme à son habitude, se réunira pour introniser le premier président de la République et le président du Conseil des ministres de la toute neuve Cinquième République. Exit le suffrage universel, place au vote feutré des parlementaires, dans une chorégraphie constitutionnelle où chaque pas semble écrit d’avance. Et au centre de ce théâtre politique, une figure capte tous les regards : Victoire Sidémého Tomégah-Dogbé, Première ministre sortante, dont la démission imminente marquera la fin d’un acte et, peut-être, le début d’un autre. Ironie du sort : celle qui fut la première femme à gravir ce sommet pourrait bien redescendre l’escalier pour mieux remonter, sous un nouveau costume taillé sur mesure.

Une démission qui interroge : Victoire Tomégah-Dogbé quitte la Primature, quel avenir dans le jeu du pouvoir ?

Au cœur de ce bouleversement, une démission en trompe-l’œil se profile. Victoire Tomégah-Dogbé, fidèle lieutenant de Faure Gnassingbé, annoncera sa démission avec la grâce d’une actrice rompue aux rôles tragiques. En poste depuis septembre 2020, elle a navigué avec une habileté remarquable à travers les tempêtes d’une transition constitutionnelle controversée. Sa gestion des affaires courantes, entre crises sociales et réformes opaques, lui a valu des éloges mesurés, mais aussi des critiques acerbes. Car au Togo, où la pauvreté touche 45 % de la population et où les libertés publiques s’effilochent, gouverner sous l’ombre du clan Gnassingbé relève moins du leadership que de la haute voltige. Et pourtant, Mme Dogbé, avec son parcours impeccable – de l’UNDP au ministère du Développement à la base, puis à la primature – a su incarner une modernité de façade, celle d’une femme au sommet dans un pays où le pouvoir reste un privilège dynastique.

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Sa démission, attendue ce 2 ou 3 mai, n’est pas une sortie de scène, mais une pirouette. La nouvelle Constitution, promulguée le 6 mai 2024, abolit le poste de Premier ministre au profit d’un président du Conseil des ministres, véritable maître du jeu exécutif. Et qui mieux que Faure Gnassingbé, chef de l’UNIR et architecte de ce bouleversement, pour s’emparer de ce trône ? L’opposition, réduite à cinq sièges face aux 108 de l’UNIR, crie au « coup d’État constitutionnel », mais ses clameurs se perdent dans le silence d’un peuple muselé par des années de répression. Quant à Victoire, son prochain rôle reste une énigme savamment entretenue. Certains murmurent qu’elle pourrait conserver une place de choix, peut-être comme présidente d’une institution symbolique, ou même – suprême ironie – être rappelée pour un poste clé dans l’ombre de son mentor.

La Cinquième République sur mesure : un vote parlementaire qui assure la pérennité dynastique

Cette transition s’inscrit dans la naissance d’une Cinquième République cousue de fil d’or, mais qui peine à convaincre de sa légitimité démocratique. Le Togo, ce samedi historique, s’offrira un lifting politique qui a tout d’un ravalement dynastique. La présidence, jadis convoitée par le suffrage universel, devient une coquille vide, un titre honorifique attribué pour six ans par un Congrès aux ordres. Le président du Conseil des ministres, en revanche, hérite d’un pouvoir quasi absolu, renouvelable à l’infini tant que l’UNIR domine le Parlement. Faure Gnassingbé, dont la famille règne sans partage depuis 1967, s’assure ainsi une pérennité que bien des monarques envieraient. Et dans ce jeu de chaises musicales, Victoire Tomégah-Dogbé apparaît comme la partenaire idéale, celle qui sait danser au rythme des ambitions présidentielles sans jamais voler la vedette.

N’allez pas croire que cette transition est un élan démocratique. Les consultations publiques, vantées par le pouvoir, n’ont été qu’un simulacre, ciblant des chefs traditionnels et des groupes triés sur le volet. Les manifestations, interdites depuis 2022, ont cédé la place à une résignation étouffée, tandis que la presse indépendante, à l’image de L’Alternative ou Liberté, subit suspensions et intimidations. L’opposition, menée par l’ANC et la DMP, boycotte les sénatoriales et dénonce une « mascarade », mais ses appels s’évanouissent face à un rouleau compresseur politique huilé par des décennies de patronage.

Victoire Tomégah-Dogbé, L’Énigme : un symbole féminin au service d’un régime qui se réinvente ?

Et pourtant, au milieu de ce ballet d’ombres, Victoire Tomégah-Dogbé reste une figure fascinante. Première femme, première Ministre, elle a porté avec élégance le fardeau d’un poste dans lequel l’autonomie est une illusion. Son bilan, fait de projets sociaux comme « Rentrée solidaire » ou de plaidoyers internationaux pour l’inclusion, brille d’un éclat terni par le contexte. Car comment réformer un système qui ne veut pas changer ? Son départ, loin d’être une rupture, pourrait bien être une réinvention. Réintégrée dans un rôle de premier plan – pourquoi pas à la tête d’une institution de la Cinquième République ? – elle incarnerait la continuité d’un régime qui sait se parer des atours du renouveau.

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