Politique




Togo  : une marche pour défier l’ombre d’un trône

Lomé, 5 mai 2025 – Dans un Togo où la démocratie semble avoir troqué son manteau d’espérance pour une cape de…

La DMP défie le « coup d’État constitutionnel » de Faure Gnassingbé avec une marche annoncée pour le 17 mai, dans un sursaut d’opposition

Lomé, 5 mai 2025 – Dans un Togo où la démocratie semble avoir troqué son manteau d’espérance pour une cape de résignation, la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP), fer de lance d’une opposition aussi bruyante qu’esseulée, appelle à une grande marche de protestation le 17 mai à Lomé. Ce n’est pas une simple promenade dominicale, non : c’est un cri, un poing levé contre ce que la coalition qualifie de « coup d’État constitutionnel », orchestré par Faure Gnassingbé et ses acolytes pour transformer la République en une monarchie déguisée.

Avec l’élection, le 3 mai, de Jean-Lucien Savi de Tové comme président honorifique et la nomination de Gnassingbé à la tête du Conseil des ministres, le pouvoir a achevé sa mue, reléguant le peuple à un rôle de spectateur muet. Mais la DMP, avec l’ardeur d’un Don Quichotte défiant des moulins à vent, veut croire que la rue peut encore renverser la table.

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L’Hémicycle : acte final d’une prise de pouvoir critique

Tout a commencé dans l’hémicycle du pavillon annexe de l’Assemblée nationale, où, le 3 mai, les parlementaires ont joué une pièce bien rodée. D’un côté, une séance plénière pour désigner Gnassingbé, chef du parti majoritaire UNIR, comme président du Conseil des ministres, détenteur des véritables rênes du pouvoir. De l’autre, un Congrès pour élire Savi de Tové, octogénaire respectable, mais dépouillé de toute autorité, à la présidence de la République.

Le tout, sous les auspices d’une Constitution adoptée en catimini le 25 mars 2024, qui a fait basculer le Togo dans un régime parlementaire où le suffrage universel n’est plus qu’un souvenir. « Trop, c’est trop ! » tonne la DMP, invoquant l’article 150 de la Constitution de 1992, qui enjoint tout citoyen à résister face à un « coup de force ». Mais face à une Assemblée et un Sénat aux ordres, où UNIR règne en maître avec 108 des 113 sièges, la résistance ressemble à une goutte d’eau dans l’océan.

L’opposition sort les griffes et appelle à la mobilisation pour une marche de contestation .

Lors d’une conférence de presse tenue le 3 mai, la DMP a déversé sa fureur, dénonçant un « stratagème machiavélique » visant à pérenniser la dynastie Gnassingbé, au pouvoir depuis 1967. Brigitte  Kafui Adjamagbo-Johnson, figure de proue de la coalition, a pris soin de préciser que sa formation n’a pas cautionné les « actes illégitimes » du jour, préférant brandir l’étendard de la souveraineté populaire bafouée. Le clou du spectacle ? Une salve d’applaudissements pour Essozimna Marguerite Gnakadé, ancienne ministre et membre du clan Gnassingbé, qui, dans un rare accès de courage, a appelé à un « nouveau départ sans Faure ». Un pavé dans la mare familiale, salué par la DMP comme un acte de bravoure, mais qui, dans les cercles du pouvoir, doit à peine faire frémir les dorures.

Togo : le monde détourne le regard sur le changement constitutionnel 

La DMP en appelle à la communauté internationale, espérant une réprobation aussi ferme qu’en février 2005, lorsque la succession précipitée de Faure Gnassingbé avait suscité un tollé régional. Mais les espoirs d’une intervention de la CEDEAO ou de l’Union africaine semblent chimériques. En avril 2024, une mission de la CEDEAO à Lomé s’est contentée d’une « évaluation préélectorale », évitant soigneusement de condamner la réforme constitutionnelle. Quant aux partenaires occidentaux, à l’image de la France, ils semblent plus enclins à recevoir Gnassingbé en catimini à l’Élysée qu’à sermonner un allié stratégique dans une région secouée par le djihadisme et les coups d’État.

La marche du 17 mai : la rue, dernier recours pour l’opposition affaiblie ?

La marche du 17 mai sera-t-elle le sursaut tant attendu ou un énième baroud d’honneur ? L’opposition, fragmentée et affaiblie par des années de répression, peine à fédérer ses forces. L’ANC et le FDR, alliés de circonstance, se joignent à la DMP pour le meeting du 4 mai, mais l’absence d’une stratégie unitaire limite leur impact. Pendant ce temps, le régime, fort de sa mainmise sur les institutions et d’une armée loyale, avance avec l’assurance d’un joueur d’échecs qui connaît déjà l’issue de la partie.

La Constitution de 1992, brandie comme un talisman par la DMP, n’est plus qu’un vestige, supplantée par un texte taillé sur mesure pour un pouvoir qui ne rend de comptes qu’à lui-même. Dans ce Togo où l’espoir s’effrite comme un mur sous la pluie, la DMP veut croire que la rue peut encore écrire l’Histoire.

Mais face à un régime qui a fait de la longévité une forme d’art, la marche du 17 mai risque de n’être qu’un éclat de voix dans le silence d’une nation lassée. Le peuple togolais, « debout jusqu’à la restauration de sa souveraineté », comme le clame la DMP, attendra-t-il un miracle, ou se contentera-t-il de contempler, une fois encore, le triomphe d’une dynastie qui rit sous cape ?

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