Répression transfrontalière : l’arrestation de Comlan Hugues Sossoukpè, un signal inquiétant pour les droits humains en Afrique de l’Ouest
Lomé, 11 juillet 2025 – La sous-région ouest-africaine est secouée par une nouvelle affaire de répression transfrontalière. Comlan Hugues Sossoukpè, un activiste béninois virulent et critique du régime de Patrice Talon, a été arrêté à Lomé, au Togo, avant d’être extradé en urgence vers Cotonou, la capitale économique du Bénin. Cette opération, menée dans une discrétion troublante, soulève de graves questions sur la protection des droits humains, la liberté d’expression et l’utilisation des accords de coopération régionale pour museler les voix dissidentes. Voici l’histoire d’un homme qui, après sept ans d’exil, est devenu la cible d’une traque sans égard pour les principes fondamentaux du droit international.
LA SUITE APRÈS LA PUBLICITÉ
Comlan Hugues Sossoukpè : La voix qui dérange, rattrapée par Cotonou
Comlan Hugues Sossoukpè n’est pas un inconnu au Bénin. Ce web-activiste et patron du média en ligne Olofofo s’est imposé comme une figure incontournable de l’opposition numérique. Il dénonce sans relâche les dérives autoritaires du gouvernement béninois, abordant des sujets sensibles : corruption, injustices sociales et violations des droits humains. Plus récemment, il a relayé des informations sur de présumées attaques terroristes dans le nord du pays, n’hésitant pas à contredire les chiffres officiels, ce qui lui a valu d’être jugé « propagandiste » par le pouvoir.
Ses positions tranchées l’ont rapidement exposé à des représailles. Accusé de « complot contre la sûreté de l’État » et de « diffusion de fausses informations » par le passé, il avait quitté le Bénin il y a sept ans pour échapper à la répression. Réfugié à Lomé, il pensait y avoir trouvé un havre de paix pour poursuivre son engagement.
Cependant, le 10 juillet 2025, son exil a brusquement pris fin : les autorités togolaises l’ont arrêté dans des circonstances encore obscures, puis l’ont transféré dès le lendemain vers Cotonou, sans aucune annonce officielle. Cette extradition silencieuse soulève de nombreuses interrogations sur la coopération sécuritaire entre Lomé et Cotonou, et sur le sort réservé aux opposants en exil.
Extradition express : Quand la justice s’efface devant l’opacité
L’opération qui a mené à l’arrestation de Sossoukpè révèle une collaboration sécuritaire flagrante entre le Bénin et le Togo. Pourtant, elle viole ouvertement les normes internationales. Selon les informations disponibles, les autorités ont procédé à l’interpellation sans aucune transparence, bafouant les procédures judiciaires élémentaires et les droits d’asile. En fait , Lomé n’a fourni aucune information officielle, et a transféré Sossoukpè vers le Bénin avec une discrétion qui contraste fortement avec la gravité de l’événement. En plus, Sans tarder, ce 11 juillet, les autorités ont conduit Sossoukpè devant le procureur spécial de la CRIET à Cotonou. Il attend désormais de connaître les charges exactes retenues contre lui, dans un contexte où les critiques pointent souvent du doigt la CRIET pour son instrumentalisation contre les opposants politiques.
Cette affaire n’est pas un cas isolé. En effet, en août 2024, les autorités avaient déjà arrêté et extradé un autre activiste béninois, Steve Amoussou, alias « Frère Hounvi », dans des conditions similaires. Les organisations de la société civile togolaise, comme l’Association des Victimes de la Torture au Togo (ASVITTO), avaient alors dénoncé une violation des conventions internationales sur la protection des réfugiés politiques. L’arrestation de Sossoukpè semble confirmer l’émergence d’un schéma inquiétant : Lomé, autrefois perçue comme un refuge pour les dissidents de la sous-région, devient un terrain d’opérations pour les gouvernements qui cherchent à faire taire leurs opposants.
Sossoukpè, symbole d’une résistance qui ne plie pas
Comlan Hugues Sossoukpè incarne une résistance farouche face à ce qu’il décrit comme un recul démocratique au Bénin. Dans une déclaration de janvier 2025, il revendiquait son « indéfectible engagement pour la vérité et la démocratie », rejetant les accusations de complot et de trahison. « Je plaide coupable d’avoir critiqué le régime et informé le public des réalités du pays », écrivait-il, dénonçant les « dérives autoritaires » et les « violations des droits des opposants ». Aujourd’hui, ces mots résonnent comme un défi lancé à un pouvoir qui semble déterminé à étouffer toute critique, même au-delà de ses frontières.
Sossoukpè n’est pas un simple activiste isolé. Il appartient à une longue lignée de voix dissidentes au Bénin, où les autorités intensifient la répression des opposants, journalistes et cyber-activistes ces dernières années. Amnesty International a documenté des vagues d’arrestations arbitraires et des restrictions à la liberté d’expression. Le cas de Sossoukpè illustre également l’utilisation croissante de la CRIET pour cibler les dissidents, avec des accusations vagues comme le « harcèlement par communication électronique » ou la « publication de fausses nouvelles », souvent utilisées pour criminaliser la parole critique.
Un dangereux Précédent : L’exil n’est plus un sanctuaire en Afrique de l’Ouest
L’arrestation et l’extradition de Comlan Hugues Sossoukpè dépassent les frontières du Bénin et du Togo. Elles projettent un message glaçant à tous les militants et défenseurs des droits humains en Afrique de l’Ouest : l’exil ne garantit plus la sécurité. En fait, les États ont détourné les accords de coopération sécuritaire, censés renforcer la lutte contre le crime transfrontalier, pour traquer les opposants politiques. Ce précédent, combiné à celui de Steve Amoussou, révèle une érosion alarmante des protections que les autorités accordaient autrefois aux réfugiés et aux dissidents.
Les organisations de défense des droits humains, tant au Togo qu’au Bénin, ont exprimé leur indignation. L’absence de transparence dans l’arrestation de Sossoukpè et l’omission de toute procédure légale formelle violent les conventions internationales, notamment la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, qui garantit le droit à la protection pour les personnes fuyant des persécutions politiques. Cette affaire interroge également le rôle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont la Cour de justice a déjà condamné le Bénin pour des violations des droits humains dans d’autres cas.
Alerte rouge pour la démocratie : le cas Sossoukpè, un combat pour les libertés
L’arrestation de Comlan Hugues Sossoukpè est bien plus qu’un incident isolé. Elle symbolise une menace croissante pour la liberté d’expression et la sécurité des activistes en Afrique de l’Ouest. En transformant Lomé en un outil de répression transfrontalière, les autorités béninoises et togolaises établissent ainsi un précédent qui pourrait encourager d’autres gouvernements à adopter des pratiques similaires. Si l’exil ne protège plus, où les voix dissidentes peuvent-elles se faire entendre ?
Alors que Sossoukpè attend son sort devant la CRIET, son cas met en lumière l’urgence d’une mobilisation régionale et internationale pour protéger les droits humains. Les organisations comme Amnesty International et les défenseurs locaux appellent à une vigilance accrue et à des sanctions contre les États qui bafouent les libertés fondamentales. Pour Sossoukpè, comme pour tant d’autres, la lutte continue, non seulement pour sa liberté, mais pour le droit de tous à s’exprimer sans craindre la répression, qu’elle vienne de Cotonou, de Lomé ou d’ailleurs.