Lomé 2025 : L’Alliance Politique Africaine forge l’élan d’un continent souverain
Lomé, 2 juin 2025 – Dans la chaleur vibrante de la capitale togolaise, la troisième conférence ministérielle de l’Alliance Politique Africaine (APA) s’est ouverte ce lundi, portée par une ambition audacieuse : redessiner la place de l’Afrique dans un monde en pleine métamorphose. Sous le thème évocateur « Place de l’Afrique dans un monde en mutation : enjeu d’un repositionnement stratégique et diplomatique », cette rencontre réunit des délégués de dix nations africaines, décidés à faire du continent un acteur central des équilibres mondiaux. Orchestrée par le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, cette assemblée s’inscrit dans une quête de souveraineté et d’unité, où l’Afrique aspire à écrire sa propre partition dans le concert des nations.
Un vibrant appel à l’émancipation continentale
Dès l’ouverture des travaux, dans l’écrin du Palais des Congrès de Lomé, Robert Dussey a posé les jalons d’une vision résolument offensive. « L’Afrique doit cesser d’être le témoin passif de l’histoire pour en devenir l’architecte », a-t-il déclaré, sa voix empreinte d’une ferveur panafricaine. Face à un auditoire composé de ministres et de diplomates issus de pays comme l’Angola, le Burkina Faso, la Guinée ou encore la République Démocratique du Congo, récemment intégrée à l’Alliance, il a plaidé pour une rupture avec les postures héritées d’un passé colonial. Par conséquent, cette troisième conférence, après celles de Lomé en 2023 et de Bamako en 2024, marque une étape décisive dans la formalisation de l’APA, avec l’adoption imminente d’une charte, prévue pour fin 2025, qui structurera ses ambitions.
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Le contexte mondial, marqué par des reconfigurations géopolitiques – du retour du protectionnisme à l’émergence de nouveaux blocs comme les BRICS – offre à l’Afrique une opportunité inédite. Pourtant, comme l’a souligné Dussey, le continent reste sous-représenté dans les arènes multilatérales, notamment au Conseil de Sécurité de l’ONU, où il réclame deux sièges permanents. Ainsi, cette exigence, relayée lors du sommet du G20 de 2024 à Rio, trouve un écho dans les discussions de Lomé, où les délégués explorent des stratégies pour amplifier la voix africaine sur des dossiers cruciaux : commerce, sécurité, transitions énergétiques et gouvernance numérique.
L’APA : une diplomatie unie face aux défis globaux
L’APA, née en 2023 à l’initiative du Togo, se veut un antidote aux fragmentations qui freinent l’unité africaine. Contrairement à l’Union Africaine, parfois perçue comme engluée dans des dynamiques bureaucratiques, ou à la CEDEAO, critiquée pour son alignement sur des intérêts extérieurs, l’Alliance mise sur une coopération agile entre nations partageant une vision panafricaniste. Les dix membres actuels – Angola, Burkina Faso, Centrafrique, Gabon, Guinée, Libye, Mali, Namibie, Tanzanie et Togo – auxquels s’ajoute la RDC, incarnent cette aspiration à une Afrique non alignée, capable de négocier d’égal à égal avec les grandes puissances.
Les débats, qui se prolongent jusqu’au 4 juin, abordent des enjeux pressants. La sécurité, d’abord, domine les échanges, alors que le Sahel est secoué par plus de 3200 attaques terroristes en 2024, selon les chiffres de l’Union Africaine. L’APA prône une réponse endogène, s’appuyant sur la mutualisation des ressources, comme l’illustre l’Alliance des États du Sahel (AES). De même, sur le plan économique, la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf), opérationnelle depuis 2021, est vue comme un levier pour réduire la dépendance aux exportations de matières premières. En 2024, le commerce intra-africain a progressé de 3,2 %, un signal encourageant que l’APA souhaite amplifier en harmonisant les politiques commerciales.
L’innovation au service de la souveraineté africaine
L’innovation, technologique et diplomatique, est un autre pilier des discussions. À l’heure où l’intelligence artificielle et les infrastructures numériques redéfinissent les rapports de force, l’APA explore des partenariats pour doter l’Afrique de capacités autonomes. Le récent sommet 3i Africa 2025, tenu à Accra, a mis en lumière l’urgence d’une gouvernance africaine des actifs numériques, un thème repris à Lomé. Par ailleurs, le continent, riche en minerais stratégiques comme le cobalt et le lithium, cherche à transformer ces ressources localement, à l’image de la Zone Industrielle de Glo-Djigbé au Bénin, un modèle que le Togo promeut comme exemple d’industrialisation endogène.
L’écologie, enfin, occupe une place centrale. Alors que la 20ᵉ session de la Conférence Ministérielle Africaine sur l’Environnement (AMCEN) se tiendra en juillet 2025 à Nairobi, l’APA anticipe les négociations climatiques en prônant une justice environnementale. Les délégués insistent sur la nécessité de financements accrus pour l’adaptation au changement climatique, alors que l’Afrique, responsable de moins de 4 % des émissions mondiales, subit de plein fouet les sécheresses et les inondations.
Un panafricanisme pragmatique pour une Afrique audacieuse
L’APA s’inscrit dans une lignée historique, celle des pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité Africaine, comme Kwame Nkrumah ou Modibo Keïta. Pourtant, elle se distingue par son pragmatisme, refusant les envolées lyriques au profit d’une feuille de route concrète. La conférence de Lomé, prolongée par le 9ᵉ Congrès Panafricain prévu en 2024 dans la même ville, vise à institutionnaliser cet élan. Un comité de haut niveau, dirigé par le Togo, planche sur des mécanismes de coordination, incluant un secrétariat permanent et des groupes de travail thématiques, pour traduire les discours en actions.
La présence de figures comme le ministre malien Abdoulaye Diop ou la vice-ministre congolaise Gracia Yamba Kazadi, arrivée le 1ᵉʳ juin, témoigne de l’attrait croissant de l’APA.
3e conférence ministérielle de l’APA : L’Afrique en marche vers son destin mondial
En ce 2 juin 2025, Lomé se fait l’épicentre d’un renouveau africain. La troisième conférence de l’APA, portée par une diplomatie togolaise audacieuse, n’est pas un simple conclave ; elle est le creuset dans lequel s’esquisse une Afrique décomplexée, prête à revendiquer sa place dans un monde multipolaire. Entre défis sécuritaires, impératifs économiques et aspirations écologiques, les délégués réunis dans la « capitale de la paix » tracent un chemin sur lequel l’unité et la souveraineté deviennent les piliers d’un continent en pleine ascension. Alors que les travaux se poursuivent, une certitude émerge : l’Afrique, galvanisée par l’APA, ne se contentera plus d’être spectatrice de l’histoire ; elle en sera l’actrice, résolue et souveraine.