Un communiqué incendiaire : la HCC accusée de vices rédhibitoires par Rajoelina
Le ton est sans appel dans le document officiel, qui fustige avec virulence la décision rendue par la HCC le 14 octobre. Selon la Présidence, cet acte est entaché de « multiples vices tant sur le fond que sur la forme », portant « atteinte aux fondements de la République, à la stabilité de l’ordre constitutionnel et à l’État de droit ».
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Au cœur des griefs : la saisine introductive que le Vice-Président de l’Assemblée nationale (un leader de l’opposition, NdLR) a déposé le 13 octobre. « Le requérant n’est ni habilité ni qualifié pour saisir la Haute Cour Constitutionnelle », argumente le communiqué, rappelant que cette prérogative restreint strictement les Chefs d’Institution de la République. Cette irrégularité aurait dû entraîner une irrecevabilité immédiate.
Par ailleurs, la séance de la HCC elle-même illustre un fiasco procédural : le Président de l’institution a convoqué les membres de la Cour à 9 h 00 pour une « réunion administrative », sans leur communiquer l’objet au préalable. Huit Hauts Conseillers présents physiquement et un à distance se sont retrouvés piégés dans une « Chambre d’audience » improvisée sur sa décision unilatérale. Il leur a présenté trois requêtes à la va-vite, sans leur laisser le temps d’étudier les dossiers.
Interruptions, menaces et évacuation forcée : un huis clos sous pression
Le récit des événements, tel que relaté par la Présidence, évoque un scénario de pression militaire orchestrée. Après une série de suspensions d’audience, c’est lors du débat sur la recevabilité, de 15 h 00 à 17 h 00, que la tension atteint son paroxysme. La Direction de la Sécurité de la HCC aurait alors « sommé l’ensemble des juges constitutionnels à vider les lieux » face à l’arrivée imminente de « factions militaires armées » en direction du Palais Présidentiel d’Ambohitsirohitra, adjacent à la Cour.
« Des militaires ont évacué d’urgence les Hauts Conseillers avant qu’ils n’aient clôturé le débat, procédé à la délibération et signé, par peur d’atteinte à leur intégrité physique », dénonce le texte. Ils affirment aussi que ces derniers les ont menacés, ce qui prive ainsi la décision de toute sérénité et discernement. La publication hâtive de l’arrêt, sans respect des règles procédurales, « laisse supposer l’existence d’actes de corruption ou de coercition », ajoute la Présidence, et ouvre la voie à une « rupture constitutionnelle » grave.
Rajoelina, « Président en exercice de la SADC » : L’appel à la jeunesse contre le chaos
Face à cette tempête, Andry Rajoelina utilise ses titres régionaux comme bouclier : « Il continue d’assurer ses fonctions en vertu des pouvoirs constitutionnels qui lui confèrent l’autorité de Président de la République et de Président en exercice de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe). La Présidence condamne fermement la décision infondée prise par la Haute Cour Constitutionnelle, ainsi que la prise de pouvoir par la force opérée par une faction militaire.
Le Président adresse un message solennel à la jeunesse malgache, cœur battant des récentes manifestations :
« Cette tentative de prise de pouvoir incarne l’exact contraire des valeurs qu’elle défend. Elle repose sur la violation manifeste de l’État de droit, piétine les principes démocratiques,et menace directement les efforts que nous menons pour lutter ensemble contre la corruption. » Il appelle ainsi directement les manifestants à se méfier de l’ingérence militaire.
Une nation au bord du gouffre : vers une escalade ?
Ce communiqué, publié au plus fort de la confusion – avec le colonel Michael Randrianirina proclamé chef de l’État par intérim et Rajoelina toujours officiellement en fonction – ravive les flammes d’une crise qui couve depuis des mois. Tandis que des barrages militaires se multiplient à Antananarivo et que l’opposition jubile, les loyalistes de Rajoelina appellent à la mobilisation. L’Union africaine et la France, déjà alarmées, pressent pour une médiation régionale d’urgence afin d’éviter le scénario du pire.
Le colonel Randrianirina n’a pas encore réagi publiquement à ces accusations, mais les rues bruissent de rumeurs d’affrontements imminents entre factions armées. Madagascar, fragilisé par l’économie en berne, s’engage dans une confrontation ouverte entre deux légitimités contestées. La Grande Île est au bord du gouffre.