Ce 17 septembre à Lomé, l’arrestation spectaculaire de Marguerite Gnakadé, ex-ministre et opposante au régime, secoue le paysage politique togolais. Une opération musclée qui soulève des interrogations sur les dérives du pouvoir.
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Lomé, 17 septembre 2025 – L’aube a à peine pointé ce mercredi à Lomé que le quartier de Tokoin Solidarité s’est réveillé en sursaut. En effet, une escouade de militaires encagoulés, débarqués en jeeps tonitruantes, a investi le domicile de Marguerite Gnakadé, figure explosive de l’opposition togolaise. L’ancienne ministre des Armées, connue pour ses critiques acerbes contre le régime de Faure Gnassingbé, a été extraite manu militari de sa maison, le portail défoncé.
Sa destination et les motifs officiels de son arrestation demeurent inconnus. Cependant, dans les couloirs du pouvoir et sur les réseaux, les rumeurs fusent : s’agit-il d’un complot, d’une rébellion, ou d’une simple vengeance politique ? Ainsi, ce raid musclé, survenu au lendemain d’une semaine de vives tensions, ravive les braises d’une contestation qui couve depuis des mois au Togo.
Une opération commando qui suscite l’indignation
Selon des témoins oculaires, l’assaut a débuté aux premières heures du jour. « Ils étaient une dizaine, cagoulés, armés, arrivés en trombe. Ils ont forcé le portail sans un mot, et on les a vus ressortir avec elle, escortée vers un véhicule », raconte un habitant du quartier, encore sous le choc. De plus, la scène, filmée à la va-vite par des voisins, circule déjà comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux.
Transférée à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), Marguerite Gnakadé reste injoignable. Aucune charge n’a été formulée publiquement. Néanmoins, des sources proches de l’enquête évoquent des soupçons d’« incitation à la rébellion » et de « complot contre la sécurité de l’État ». Une perquisition au domicile aurait révélé des « éléments matériels graves », selon des fuites relayées en ligne.
Cette arrestation n’est pas anodine : Gnakadé n’est pas n’importe qui. Première femme à la tête du ministère des Armées (2020-2022), elle est aussi la belle-sœur du président Faure Gnassingbé, liée par alliance familiale au clan au pouvoir depuis des décennies.
De l’ombre à la lumière : une dissidente en marche
Depuis mai dernier, elle a multiplié les sorties tonitruantes, brisant le tabou d’une loyauté familiale pour dénoncer une « gestion calamiteuse » du pays : corruption endémique, répression des opposants, échecs économiques. En juin, elle réclamait la libération des prisonniers politiques, citant l’artiste Aamron ou Kpatcha Gnassingbé. Fin août, dans une vidéo virale, elle a même appelé ouvertement le chef de l’État à « quitter le pouvoir » et a rejoint les rues lors d’une manifestation convoquée par le M66, un mouvement de jeunes activistes de la diaspora qui défie Lomé depuis des mois.
Son parcours est un roman politique à rebondissements. Démise de ses fonctions en 2022, Gnakadé avait d’abord gardé profil bas. Puis, le 2 mai 2025, une tribune incendiaire a fustigé vingt ans d’« espoirs déçus » sous Faure Gnassingbé. Le 12 juin, elle s’est adressée directement aux Forces Armées Togolaises (FAT), les exhortant à « soutenir le peuple, pas le réprimer ». Le 17 août, une nouvelle vidéo choc a suivi, appelant à une « transition apaisée » et à l’unité nationale pour un « renouveau ». Le 30 août, elle est descendue dans la rue, foulant les trottoirs aux côtés de la jeunesse, malgré les gaz lacrymogènes et les interpellations massives.
Ces prises de position, rares d’une voix aussi proche du pouvoir, ont fait d’elle une icône pour l’opposition. Le M66, qui dénonce une « arrestation arbitraire reflétant un État voyou », exige sa libération immédiate. Sur X, les hashtags #FreeMargueriteGnakadé et #FaureMustGo explosent, accompagnés d’appels à la mobilisation. Certains lient déjà cet événement aux interpellations de « mercenaires étrangers » lors des manifestations d’août, soupçonnant des connexions avec des « projets de déstabilisation armée ».
Silence radio : un régime sous pression, entre vengeance et justice ?
Du côté des autorités, le silence est de mise pour l’instant. Mais, des voix pro-gouvernementales sur les réseaux sociaux minimisent : « Le Code pénal togolais est clair sur les mutineries et complots. C’est la loi qui parle, pas la vengeance ». Cette affaire tombe à pic pour un régime ébranlé par des mois de contestation, amplifiée par la diaspora et les jeunes blogueurs du M66. Arrestations d’artistes, répression des marches : le Togo de Gnassingbé fait face à un vent de révolte qui pourrait bien tourner à la tempête.
Pour les Togolais, lassés d’un demi-siècle de dynastie Gnassingbé, cette interpellation sonne comme un aveu de faiblesse. « Si même une belle-sœur ose défier le palais, qui osera plus ? » s’interroge un activiste en exil. Alors que la DCPJ garde le silence, la rue retient son souffle.
En somme, l’Afrique de l’Ouest observe, et Lomé pourrait bien être le prochain foyer d’un changement tant réclamé.
L’arrestation de Marguerite Gnakadé, une figure du sérail, soulève des interrogations sur les motivations des autorités. Certains y voient un tournant dans la gestion des dissidences internes, tandis que d’autres l’interprètent comme une mesure visant à affirmer l’autorité de l’État face aux critiques.