PolitiqueJudiciaire




Procès Sanogo : une affaire oubliée ?

Depuis son arrestation, le 23 novembre 2013, l’ex-chef putschiste du 22 mars 2012, le général Amadou Haya Sanogo, est en …

Depuis son arrestation, le 23 novembre 2013, l’ex-chef putschiste du 22 mars 2012, le général Amadou Haya Sanogo, est en  prison à Selingué.

L’ancien patron du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), accusé « d’enlèvement, d’assassinat et de complicité d’assassinat » dans l’affaire des bérets rouges, a comparu une première fois devant les juges, à Sikasso, le 30 novembre 2016. La récente nomination de Me Malick  Coulibaly, présenté comme chantre de la lutte pour les droits de l’Homme au ministère de la justice pourra-t-elle briser le statu quo ?

« Nous réclamons le jugement, mais, à défaut de cela, pourquoi ne pas négocier avec les victimes ? Nous avons vu des pays qui ont eu des cas plus graves que le nôtre, mais ils ont pu trouver des solutions. Je pense qu’il y a juste un manque de volonté », s’impatiente le colonel major à la retraite Soungalo Coulibaly, père d’un des bérets rouges assassinés. Pour la manifestation de la vérité, il intègre très tôt  l’association des parents des bérets rouges disparus. En décembre 2013, après plusieurs investigations, 21 corps ont été découverts, probablement des bérets rouges, dans un charnier à Diago, près de Kati. Son fils, auquel il avait parlé alors qu’il était détenu par des éléments de Sanogo, ferait partie des victimes.

Après six ans d’attente, le colonel major à la retraite espère que la nomination de Malick Coulibaly au département de la Justice relancera ce dossier, tant attendu. « Je ne peux pas rester comme ça, bien que j’ai de la peine à trainer mes compagnons d’armes devant un tribunal. Mais je suis obligé de le faire en tant que  partie civile », insiste-t-il. Le retour de Malick Coulibaly au ministère de la Justice, poste qu’il avait déjà occupé sous la transition de 2012, fait naitre de forts espoirs quant à la reprise du procès. « C’est quelqu’un que je sais à cheval sur le respect des droits de l’Homme, mais aussi surtout les dépassements de séjour en prison. La loi dit trois ans pour les crimes et Sanogo en est déjà à six ans sans jugement. Cela n’est pas admissible », martèle le Dr Abdourahmane Maiga, commissaire à la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH). Selon lui, il urge que la justice se fasse, et pour les victimes et pour les accusés. « S’il ne le fait pas dans les trois mois à venir, nous allons lui demander pourquoi, non parce qu’il est Malick, mais parce qu’il est le ministre de la Justice », annonce-t-il.

Pour les victimes et les accusés

Dans cette longue attente, les victimes ne sont pas les seules à plaider pour que la justice passe. Les droits de l’accusé Sanogo semblent également être piétinés. « Quand quelqu’un est en prison, sa femme et ses enfants aussi sont emprisonnés, d’une manière ou d’une autre. Il n’est pas condamné mais sa femme ne le voit pas, ses enfants non plus. On viole leurs droits », continue de dénoncer le Dr Abdourahmane Maiga, Président de la sous-commission promotion à la CNDH. Pour le politologue Mamadou Sissoko, la lenteur doit être liée à des difficultés juridiques. « Le procès Sanogo dépend-il de la situation politique ou de difficultés juridiques ? Politiquement, rien ne s’oppose à ce que Sanogo soit jugé. S’il n’a pas pu l’être à Sikasso, c’est parce qu’il y a eu des difficultés juridiques soulevées par les avocats », souligne-t-il. Parmi celles-ci figure notamment la demande d’expertise génétique des corps des victimes. Pourtant, le colonel major à la retraite Soungalo Coulibaly assure qu’il y a bien eu une expertise, menée sans l’aval des autorités de l’époque. « Il y a eu des tests ADN, mais le tribunal de Sikasso a estimé que ceux qui avaient fait ces tests n’étaient pas habilités par les autorités maliennes. Or, à cette époque c’étaient Amadou Haya Sanogo et ses hommes qui étaient les autorités », rapporte le colonel major. Depuis le report de 2016, c’est le statu quo. « La partie civile est en droit aujourd’hui d’exiger le règlement de cette affaire. Cela permettra à certaines personnes de faire leur deuil, mais aussi de comprendre ce qui s’est passé. Il est également dans l’intérêt des inculpés que la vérité soit dite », souhaite le politologue. L’un des avocats de Sanogo, que nous avons contacté, n’a pas souhaité s’exprimer sur l’affaire.

Suivez l'information en direct sur notre chaîne