Togo : une ambition énergétique à l’horizon 2030 sous haute tension
Lomé, 16 mai 2025 – Dans un Togo en pleine effervescence économique et démographique, l’accès universel à l’électricité d’ici à l’horizon 2030 se profile comme un défi à la fois audacieux qu’essentiel pour le développement. Le ministère des Mines et des Ressources Énergétiques, dans un communiqué publié le 15 mai, a ainsi réaffirmé cette ambition forte, visant non seulement une production locale à 50 % renouvelable, mais aussi une continuité de service de qualité pour les ménages comme pour les industriels. Mais derrière cette vision lumineuse, les défis financiers, techniques et logistiques à relever imposent une véritable course contre-la-montre pour transformer le rêve en réalité concrète pour tous.
Un fossé électrique à combler : les chiffres clés de l’accès au Togo
Avec une demande d’électricité en hausse constante de 7 % par an, dopée par l’urbanisation rapide et l’essor industriel que connaît le pays, le Togo fait face à une équation complexe à résoudre. Actuellement, seuls 69 % des 8,8 millions d’habitants ont accès à l’électricité, selon les données récentes de l’Agence togolaise d’électrification rurale (AT2ER) datées du 10 mai 2025. Si les zones urbaines affichent un taux d’accès relativement élevé de 85 %, les campagnes, en revanche, plafonnent à un faible 25 %, creusant ainsi un fossé criant que le gouvernement s’est fermement juré de combler d’ici à 2030. Le communiqué ministériel insiste par conséquent sur la nécessité impérative d’une « mise en ordre financière et technique » rigoureuse de l’ensemble des acteurs du secteur, condition sine qua non pour espérer atteindre les objectifs ambitieux fixés par le président Faure Essozimna Gnassingbé.
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L’équation financière de l’électricité sous haute tension : tarifs, déficits et investissements nécessaires
Malgré les avancées enregistrées en matière de production locale, le secteur énergétique togolais ploie encore sous de lourdes contraintes financières. Le maintien du tarif de l’électricité à 102 FCFA par kWh depuis 2011, malgré l’envolée des coûts de production due à l’inflation et à la hausse des combustibles sur le marché mondial, a creusé mécaniquement un déficit structurel important pour la Compagnie d’énergie électrique du Togo (CEET). Une augmentation récente de 12,5 % des tarifs, effective depuis le 1ᵉʳ mai 2025 et annoncée discrètement via le Journal officiel, a de fait suscité des remous et des critiques dans l’opinion publique. « Cette hausse, imposée sans véritable concertation préalable, pèse lourdement sur les ménages déjà fragilisés par le contexte économique », a ainsi dénoncé la Synergie des travailleurs du Togo (STT) dans un communiqué.
Le Ministère, conscient de ces tensions sociales et des impératifs économiques, mise désormais sur l’obtention de financements internationaux massifs et la multiplication des partenariats public-privé (PPP). Selon un rapport de l’AT2ER du 12 mai 2025, le Togo devra mobiliser à lui seul près de 147 milliards de FCFA (environ 251 millions USD) pour déployer les 300 mini-réseaux solaires prévus d’ici à 2030 dans les zones rurales, un investissement colossal, quatre fois supérieur aux budgets annuels actuels alloués à l’électrification rurale. La crise énergétique régionale de 2024, qui a nécessité une injection d’urgence de 31 milliards de FCFA pour éviter des délestages massifs prolongés dans le pays, a par ailleurs rappelé brutalement l’urgence absolue de diversifier rapidement les sources d’approvisionnement électrique et de renforcer la résilience du réseau national.
Transition verte : Projets solaires, mini-réseaux et défis techniques
Pour réduire sa forte dépendance aux importations (qui représentent encore 60 % de sa consommation, principalement du Ghana et du Nigeria), le Togo s’appuie résolument sur le développement accéléré du solaire et, dans une moindre mesure, de l’hydroélectricité. L’initiative phare CIZO, qui a distribué plus de 85 000 kits solaires individuels à des foyers ruraux isolés au 1ᵉʳ mai 2025, a véritablement transformé la vie de milliers de familles, permettant aux enfants d’étudier le soir et aux petits commerces de prospérer localement.
À Blitta, la centrale solaire de grande capacité (70 MW), financée par le Fonds d’Abou Dabi et la Banque ouest-africaine de développement, alimente désormais 158 000 foyers depuis son extension majeure en mars 2025. Plus au nord, à Dapaong, un système innovant de stockage d’énergie de 40 MWh, lancé le 22 avril, promet de desservir près de 60 localités reculées d’ici mai 2026, renforçant ainsi la stabilité du réseau local alimenté par énergie solaire.
Pourtant, malgré ces succès notables, des obstacles techniques et humains persistent. Les pertes sur le réseau électrique, estimées à 15 % en 2024 (un chiffre élevé), et l’absence d’une main-d’œuvre qualifiée en nombre suffisant pour l’installation et la maintenance freinent les progrès à la vitesse souhaitée.
« Former 3 000 techniciens solaires est un très bon début, mais nous devons aller plus loin et bâtir une véritable industrie locale de l’énergie verte, incluant la formation à tous les niveaux », a plaidé Ketowoglo Yao Azoumah, PDG de KYA-Energy Group, lors d’un forum sur l’énergie à Lomé le 13 mai. Pour combler ce déficit crucial, le gouvernement, en partenariat avec l’IRENA (Agence internationale pour les énergies renouvelables), planifie la création de cinq académies solaires supplémentaires d’ici à 2027.
L’électricité, moteur d’espoir : vers un Togo illuminé en 2030 ?
À seulement cinq ans de l’échéance fixée pour 2030, le Togo avance avec détermination et déploie des efforts considérables, mais la route vers l’accès universel reste semée d’embûches nécessitant rigueur et persévérance. Les projets en cours de réalisation devraient cependant porter le taux d’accès national à l’électricité à environ 75 % d’ici à la fin de l’année 2025, selon les projections ministérielles les plus optimistes.
Dans les marchés animés de Lomé comme dans les hameaux reculés des Plateaux, l’électricité devient effectivement un vecteur puissant d’espoir et de transformation sociale. Écoles illuminées permettant aux enfants d’étudier plus longtemps, centres de santé équipés pour offrir de meilleurs soins, artisans dynamisés par de nouveaux outils : l’énergie irrigue directement les aspirations d’un pays en mouvement et en quête de développement.
Mais pour que cette lumière de l’électricité brille véritablement pour tous les Togolais, le pays devra conjuguer avec succès rigueur financière, innovation technique constante et cohésion sociale renforcée. À cinq ans de l’échéance, l’ambition énergétique du Togo n’est pas qu’un simple projet sur le papier : c’est un serment solennel envers l’avenir, un engagement pour le bien-être de sa population.