Société




Togo : Faure Gnassingbé et le « hold-up » constitutionnel

Au lendemain des vœux à la Nation, l'heure est au décryptage. Pour l'activiste Bibi Pacôme Mougue, le discours présidentiel justifiant…

Au lendemain des vœux à la Nation, l’heure est au décryptage. Pour l’activiste Bibi Pacôme Mougue, le discours présidentiel justifiant le passage à la Ve République n’est pas seulement une explication de texte : c’est une manœuvre sémantique « lunaire » qui tente de masquer un coup de force institutionnel.

 

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Lomé, 31 décembre 2025 – le réveillon de la Saint-Sylvestre a laissé un goût amer à une partie de la société civile togolaise. Alors que le président Faure Gnassingbé s’exprimait pour la première fois en profondeur sur le basculement du Togo vers un régime parlementaire, les réactions ne se font pas attendre. Parmi les voix les plus critiques, celle de l’activiste Bibi Pacôme Mougue dénonce un exercice de communication truffé de « contre-vérités » et un mépris affiché pour la souveraineté populaire.

Présidence du Conseil
© Présidence du Conseil

L’argument de la stabilité : un aveu implicite ?

Le point de rupture de ce discours réside dans une phrase précise qui fait désormais polémique : « C’est une réussite en soi d’avoir conduit ce changement sans rupture […]. C’est pour cela que je suis resté à la tête de l’exécutif, mais ma fonction a changé. »

Pour Bibi Pacôme Mougue, cet argument de la « continuité » est le summum de l’ironie. En présentant le maintien du statu quo personnel comme une garantie de paix, le chef de l’État laisserait entendre que, hors de lui, point de salut. « Faure Gnassingbé est en train de nous dire, de façon indirecte, que le changement de Constitution était nécessaire pour sa propre stabilité », analyse l’activiste. Un message subliminal qui transformerait une réforme institutionnelle en une assurance-vie politique pour le clan au pouvoir.

Présidence du Conseil
© Présidence du Conseil

 Faure Gnassingbé : le mythe des « élus du peuple »

L’autre pilier de l’argumentation présidentielle repose sur la responsabilité de l’Assemblée nationale. Tout au long de son allocution, le terme « vos élus » revient comme une litanie. Une stratégie de défausse, selon les détracteurs du régime.

En insistant sur le rôle des députés, Faure Gnassingbé semble vouloir se laver les mains d’un processus pourtant perçu par l’opposition comme ayant été mené « nuitamment, furtivement, comme des fossoyeurs de la République ». Cette mise à distance est d’autant plus singulière que les cadres du parti au pouvoir, à l’instar de Robert Dussey, présentaient initialement cette réforme comme le fruit de la « vision stratégique » du Président lui-même.

« C’est comme pour dire aux Togolais : « Moi, je n’ai rien fait de mal ; ce sont les personnes que vous avez élues qui sont responsables » », s’insurge Bibi Pacôme Mougue.

 

Une Constitution « sans nous »

Le cœur de la colère réside dans le slogan qui cristallise la contestation : #SansNousConsulter. Le passage d’un régime présidentiel à un régime parlementaire — où le pouvoir exécutif appartient désormais au Président du Conseil des ministres — s’est fait sans référendum, privant les citoyens d’un débat direct sur la nature même de leur contrat social.

L’activiste rappelle que la Constitution de 1992, bien que malmenée par de multiples révisions « en catimini » au fil des décennies, restait le dernier rempart symbolique de la démocratie togolaise. En le remplaçant sans l’aval explicite du peuple, le régime est accusé d’avoir sacrifié l’esprit républicain sur l’autel de la conservation du pouvoir.

Alors que le Togo entre dans cette nouvelle ère institutionnelle, le malaise persiste. Entre le désir de stabilité manifesté par le sommet et le sentiment de spoliation démocratique à la base, le dialogue national semble plus que jamais rompu.

 

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