Lomé, 1er décembre 2025 – Les bulldozers ont encore parlé ce matin. Dès l’aube, le quartier Zorobaro-Akodessewa, dans la commune Golfe 1, a vu s’effondrer des dizaines de maisons, boutiques et ateliers construits à quelques mètres seulement des rails. Après Hanoukopé la semaine dernière, c’est donc la deuxième phase d’une vaste opération de libération des emprises ferroviaires qui vient de frapper le cœur de la capitale. Or, cette fois, l’enjeu dépasse largement le simple dégagement de terrain.
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Golfe 1 : une question de vie ou de mort
Derrière les nuages de poussière et les cris des familles, une réalité brutale s’impose : la ligne de chemin de fer Lomé-Cotonou-Blitta, relancée en 2024, est devenue l’une des artères vitales du Togo. Chaque semaine, des trains de marchandises — et bientôt de passagers — circulent à pleine vitesse, reliant le littoral aux terres de l’intérieur. Mais sur de nombreux tronçons urbains, les habitations s’approchent dangereusement des rails, parfois à moins de 50 centimètres. C’est la promesse d’un développement majeur, mais aussi la peur permanente qu’un déraillement ou un freinage d’urgence ne transforme le quotidien des riverains en tragédie.
« On ne démolit pas par plaisir », martèle un ingénieur des chemins de fer présent sur place. « Un seul accident ferait des centaines de morts. On a déjà évité le pire plusieurs fois. »
Lomé respire enfin
Au-delà de la sécurité immédiate, cette opération est le premier acte concret d’un plan beaucoup plus ambitieux : redonner à la capitale un corridor ferroviaire moderne et sécurisé, tout en libérant des dizaines d’hectares pour des projets d’urbanisme attendus depuis trente ans. Boulevard ferroviaire paysager, pistes cyclables, logements sociaux, extension du port autonome : toutes ces initiatives n’étaient possibles qu’à condition de récupérer ces terrains occupés illégalement depuis des décennies.
En clair : ce qui se passe aujourd’hui à Zorobaro et à Hanoukopé n’est pas une simple opération de police. C’est le début de la plus grande transformation urbaine que Lomé ait connue depuis l’indépendance.
Le prix humain
Néanmoins, cette nécessité vitale n’efface pas la détresse des familles chassées du jour au lendemain. Des mères qui courent avec leurs bébés dans les bras, des commerçants qui regardent s’écrouler l’affaire d’une vie, des vieux qui n’ont nulle part où aller : les images font mal. Et la colère est palpable.
« On comprend la sécurité, mais on n’est pas des animaux », lance une habitante, les larmes aux yeux. « Qu’on nous donne au moins un toit avant de tout raser. »
Les autorités promettent des solutions : recensement des sinistrés, attribution prioritaire de parcelles dans les nouveaux lotissements, aides au relogement. Or, pour l’instant, ces engagements restent lettre morte pour la plupart des familles concernées.
Golfe 1 : un tournant historique
Ce qui se joue aujourd’hui dans les quartiers longeant les rails, c’est la confrontation entre deux urgences : celle de sauver des vies en empêchant une catastrophe ferroviaire, et celle de protéger la dignité de milliers de Loméens.
Le Togo a choisi de ne plus attendre. Quitte à payer le prix fort de la colère populaire aujourd’hui pour éviter un drame irréparable demain.
L’histoire jugera si le gouvernement aura su accompagner cette mutation avec assez d’humanité. Mais une chose est sûre : Lomé ne sera plus jamais la même après cette semaine de décembre 2025.
