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Togo : scrutin municipal sous haute tension, la jeunesse en colère

Togo au bord du précipice : élections municipales sous tension, la jeunesse en colère, grondante Lomé, le 17 juin 2025 –…

À l'approche des municipales du 17 juillet 2025, le Togo est secoué par la colère d'une jeunesse exaspérée, interrogeant la pertinence d'un scrutin sous haute tension et le rôle de l'opposition.

Togo au bord du précipice : élections municipales sous tension, la jeunesse en colère, grondante

Lomé, le 17 juin 2025 – À l’approche des élections municipales du 17 juillet, le Togo se retrouve à un carrefour critique. Tandis que la Cour suprême a entériné, le 13 juin, la validation de 494 listes de candidats, une vague de fronde juvénile déferle sur Lomé et d’autres villes. Cette effervescence, qui a vu des milliers de jeunes investir les rues le 6 juin, jour de l’anniversaire du président Faure Gnassingbé, est le signe d’une exaspération profonde face à la cherté de la vie, à une gouvernance jugée autoritaire et aux récentes répressions.

Cette mobilisation sans précédent soulève une question fondamentale : est-il pertinent d’organiser un scrutin municipal sans apaiser au préalable les revendications d’une génération en quête de justice sociale et de liberté ? L’opposition, souvent reléguée aux marges, saura-t-elle saisir cette ardeur populaire ou persistera-t-elle dans son mutisme ? Dans ce climat incandescent, le Togo s’avance vers des élections qui pourraient soit apaiser les tensions, soit les exacerber de manière dangereuse.  Le pays est-il à l’aube d’un soulèvement majeur ou d’une réconciliation inattendue ?

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Lomé en flammes : la jeunesse togolaise se soulève contre la mauvaise gouvernance et la répression

Le 6 juin 2025, Lomé s’est littéralement embrasée sous les klaxons retentissants, les concerts assourdissants de casseroles et les barricades improvisées. Des milliers de jeunes, galvanisés par les réseaux sociaux, ont défié courageusement les gaz lacrymogènes et les barrages policiers. Cette révolte spontanée, initialement déclenchée par l’arrestation du rappeur engagé Aamron, est le reflet d’un ras-le-bol profond face à une inflation galopante, un chômage endémique et une gouvernance perçue comme autocratique.

En effet, selon l’Institut national de la statistique, plus de 60 % des Togolais de moins de 25 ans peinent à trouver un emploi stable, tandis que le coût du carburant et des denrées de base, comme le maïs, a bondi de 25 % depuis 2023. Par conséquent, ces griefs, amplifiés par une réforme constitutionnelle controversée de 2024 qui a supprimé l’élection présidentielle au suffrage direct, ont transformé la jeunesse en fer de lance d’une contestation inédite, s’exprimant hors des cadres politiques traditionnels.

L’opposition face à son destin : saisir l’élan de la jeunesse ou s’enfoncer dans le mutisme ? 

Face à cette colère juvénile et bouillonnante, l’opposition, souvent fragmentée et affaiblie, pourrait pourtant en tirer un grand parti. La question demeure : saura-t-elle saisir cette chance historique ? Les principaux partis, tels que l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et la Dynamique pour la majorité du peuple (DMP), ont boycotté les sénatoriales de février 2025, dénonçant un « coup d’État constitutionnel » orchestré par le parti au pouvoir, l’Union pour la République (UNIR).

Cependant, pour les municipales, la participation de l’opposition demeure incertaine. Bien que plusieurs des 494 listes validées émanent de partis d’opposition, leur poids face à l’hégémonie d’UNIR, qui contrôle 108 des 113 sièges à l’Assemblée nationale, reste malheureusement limité. De surcroît, la répression des manifestations, combinée à l’interdiction des rassemblements politiques depuis 2022, a muselé les voix dissidentes, rendant leur mobilisation d’autant plus hasardeuse.

Certains observateurs espèrent vivement que les partis d’opposition ne resteront pas en retrait en boycottant une fois de plus ces élections. Après tout, le coup d’État constitutionnel est déjà consommé : le Togo est déjà dans une nouvelle république. Dès lors, l’heure n’est plus à l’errance ou à la passivité, mais à trouver des voies et des moyens pour obtenir un poids significatif dans cette nouvelle configuration politique et ne plus laisser la jeunesse porter seule le flambeau de la contestation populaire.

Municipales : le Togo sur un fil, un scrutin à haut risque 

Lancer les municipales dans ce climat de défiance généralisée constitue un pari extrêmement audacieux pour le gouvernement togolais. La CENI, malgré des efforts loués par l’Union africaine pour sa logistique – comme la distribution d’encre indélébile et le tirage au sort des bulletins le 14 juin – fait face à un déficit criant de crédibilité auprès d’une partie de la population. Les nombreuses irrégularités dénoncées lors des législatives de 2024, où l’UNIR a raflé un impressionnant 96 % des sièges, alimentent de vives craintes d’un scrutin potentiellement biaisé.

En conséquence, la campagne, qui s’ouvrira le 1ᵉʳ juillet, risque fort d’être éclipsée par des manifestations, surtout si les revendications pressantes des jeunes – qu’il s’agisse d’emploi, de justice sociale ou de libertés publiques – restent lettre morte. Le gouvernement, qui a alloué une somme conséquente de 500 millions de FCFA pour financer la campagne, mise sur une participation massive pour légitimer le processus électoral. Cependant, l’absence persistante de dialogue constructif avec la jeunesse pourrait malheureusement transformer les urnes en un catalyseur de tensions explosives.

L’avenir du Togo en jeu : réconciliation ou fracture profonde ?

La prudence ne commanderait-elle pas de surseoir à ce scrutin pour ouvrir, au préalable, un dialogue national inclusif ? Les appels de la société civile, relayés avec force par des organisations comme AfricTivistes, plaident unanimement pour une concertation approfondie afin de répondre enfin aux aspirations légitimes des jeunes et de rétablir une confiance érodée. Pourtant, le pouvoir en place, fort de son emprise institutionnelle, semble inébranlable et déterminé à maintenir le cap, au risque d’attiser davantage la grogne populaire.

L’opposition, quant à elle, si elle choisit finalement de s’engager dans ce processus, devra impérativement transcender ses divisions pour canaliser efficacement l’énergie juvénile, sous peine de céder encore plus de terrain à l’UNIR. À Lomé, où les stigmates des récentes répressions persistent encore, les Togolais attendent un signe fort d’apaisement. Le 17 juillet prochain, les urnes togolaises diront si le pays emprunte enfin la voie de la réconciliation nationale ou si, au contraire, il s’enfonce dans une fracture plus profonde, où la jeunesse, indomptable et déterminée, pourrait bien redessiner les contours de la lutte démocratique au Togo. Le Togo parviendra-t-il à surmonter cette période de forte instabilité et à trouver un chemin vers la paix sociale ?

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