Togo : une rose noire pour Faure Gnassingbé, symbole d’une opposition en quête de souffle
L’opposition togolaise, par un geste audacieux, défie le président Faure Gnassingbé. Une rose noire, chargée de symbolisme, est offerte en plein anniversaire présidentiel, marquant un climat politique déjà sous haute tension suite à la nouvelle Constitution. Ce présent, loin d’être anodin, résonne comme un défi retentissant, écho d’une contestation grandissante face à un pouvoir jugé inique.
Un symbole épineux : la rose noire qui dénonce
Le 6 juin 2025, alors que Faure Essozimna Gnassingbé célébrait ses 59 ans, une offrande inattendue est venue troubler la fête : une rose noire, aux épines acérées, remise par Brigitte Adjamagbo-Johnson, figure emblématique de l’opposition togolaise et secrétaire générale de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA).1 Cependant, loin d’un simple geste de courtoisie, ce cadeau lourd de sens a agi comme une véritable provocation lancée au président du Conseil, dans un contexte politique où la tension s’intensifie à l’ombre de la nouvelle Constitution.
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Un réquisitoire incisif : le message subversif de l’opposition
En effet, dans une missive d’une rare éloquence, publiée le jour même de l’anniversaire présidentiel, Brigitte Adjamagbo-Johnson a formulé un réquisitoire d’une intensité dramatique. « Cette rose n’est ni un tribut ni une bénédiction, mais bien l’oraison funèbre d’une ère politique », a-t-elle clamé, chaque mot étant minutieusement choisi pour marquer l’imaginaire collectif. De surcroît, chaque épine, selon elle, incarne les stigmates d’un Togo meurtri : les victimes des répressions, les exilés contraints au silence, ainsi que les humiliations d’un peuple sous le joug d’un pouvoir qu’elle estime illégitime.
Par ailleurs, ce geste, largement relayé par la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP), coalition qu’elle dirige, vise à dénoncer un régime qu’elle accuse de s’être affranchi de la légitimité constitutionnelle depuis l’entrée en vigueur, le 6 mai 2025, d’un texte controversé instaurant un régime parlementaire. En outre, ce dernier, adopté en avril 2024 et promulgué par Gnassingbé, a fait basculer le Togo dans sa Vᵉ République, conférant au président du Conseil – poste occupé par Gnassingbé depuis mai 2025 – des pouvoirs exécutifs prédominants, sans limitation de mandat.
Par conséquent, l’opposition, avec à sa tête des figures comme Adjamagbo-Johnson et Jean-Pierre Fabre, y voit un « coup d’État institutionnel », une manœuvre destinée à pérenniser la mainmise de la dynastie Gnassingbé, au pouvoir depuis 1967. Dès lors, les manifestations qui ont éclaté à Lomé et dans plusieurs villes le 6 juin, témoignent d’une colère populaire croissante, souvent dispersée par des gaz lacrymogènes et des interpellations musclées.
Une critique vive, un projet manquant : Les Dilemmes de l’opposition
Or, si le geste de la rose noire impressionne par son audace poétique, il révèle également les fragilités de l’opposition togolaise. La lettre d’Adjamagbo-Johnson, bien que percutante, s’arrête aux portes d’une vision programmatique concrète. En qualifiant Gnassingbé de dirigeant « hors Constitution, hors peuple, hors temps », elle dresse un constat cinglant, mais elle s’abstient de proposer une alternative tangible pour sortir de l’impasse qu’elle dénonce. C’est pourquoi cette absence de solutions concrètes, soulignée par certains observateurs, reflète les défis d’une opposition divisée, qui peine à fédérer un élan populaire autour d’un projet commun, malgré un boycott des élections sénatoriales de février 2025 par des partis comme l’ANC et les FDR.
Togo sous pression : un climat politique à vif
Actuellement, le Togo, sous la direction de Faure Gnassingbé, traverse une période de forte turbulence. La réforme constitutionnelle, qui a aboli le suffrage universel direct pour l’élection du chef de l’État, a intensifié les critiques. Sur les réseaux sociaux, des voix citoyennes, portées par une jeunesse née sous le règne de Gnassingbé, dénoncent un « vol » du droit de vote et appellent à la mobilisation. À cet égard, ces contestations, parfois réprimées avec force, rappellent les vagues de manifestations de 2017-2018, où des dizaines de milliers de Togolais exigeaient la fin du règne dynastique.
Néanmoins, Gnassingbé, fort de la victoire écrasante de son parti UNIR aux législatives d’avril 2024 (108 sièges sur 113), conserve une emprise solide sur le pouvoir. Sa stature de médiateur régional, notamment dans les crises malienne et congolaise, lui confère une légitimité internationale qui contraste fortement avec les critiques internes. Ainsi, cette dualité – autoritarisme domestique et diplomatie régionale – complique le récit de l’opposition, qui lutte pour transformer l’indignation en un mouvement structuré et efficace.
La Rose Noire : un défi pour un avenir incertain
En définitive, la rose noire d’Adjamagbo-Johnson, bien plus qu’un simple geste symbolique, cristallise les frustrations d’un peuple face à un pouvoir jugé inamovible. Toutefois, pour que cette épine perce l’armure du régime, l’opposition devra transcender la rhétorique pour offrir une vision mobilisatrice et des solutions concrètes. À Lomé, où les gaz lacrymogènes répondent aux cris de révolte, le Togo oscille entre résignation et espoir d’un renouveau. La rose, avec ses épines acérées, pourrait-elle être le prélude d’un sursaut national ? Seule l’histoire nous le dira.