Lomé : La lutte contre la corruption dans les marchés publics s’intensifie, un combat pour l’âme du Togo
Lomé, 9 juillet 2025 – Dans une salle discrète de Lomé, 25 administrateurs publics ont pris place le mardi matin, les visages graves, conscients de porter un fardeau plus grand que leurs titres : celui de purger les marchés publics togolais d’un mal insidieux, la corruption. Organisée par l’Autorité de Régulation de la Commande Publique (ARCOP) avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), cette première session de formation post-magistrats, lancée le 8 juillet 2025, vise à armer les responsables des finances publiques d’outils éthiques pour enrayer un fléau qui ronge l’économie, la gouvernance et la confiance des citoyens. Cependant, dans un pays où chaque contrat public peut devenir un champ de bataille, ce combat pour la transparence suffira-t-il à briser les chaînes d’une corruption systémique ?
Bâtir une gouvernance intègre : L’ARCOP et le PNUD à l’offensive
Sous les néons d’une salle de conférence à Lomé, la session s’est ouverte avec une solennité pesante. Les 25 participants, issus des organes de gestion des marchés publics, ont écouté attentivement les formateurs de l’ARCOP, épaulés par le PNUD, disséquer les mécanismes de la corruption dans la commande publique. De la planification à l’exécution, en passant par la passation et le suivi des marchés, chaque étape constitue un terrain miné où des pratiques comme le fractionnement des marchés, la surfacturation ou le trafic d’influence font prospérer la corruption. C’est dans ce texte que Aftar Touré Morou, directeur général de l’ARCOP, a martelé dans son discours inaugural que les actes de corruption gangrènent l’économie et trahissent le contribuable, précisant qu’ils ne relèvent pas d’incidents isolés.
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Cette formation, qui fait suite à une session similaire pour les magistrats en juin 2025, s’inscrit dans un effort national de renforcement de l’État de droit, appuyé par le PNUD. Les participants, responsables de la gestion de milliards de francs CFA, ont été confrontés à des études de cas concrets : des marchés fictifs attribués à des entreprises fantômes, des surfacturations déguisées en frais imprévus, des abus de pouvoir masqués par des procédures opaques. L’objectif est clair : doter ces administrateurs des compétences nécessaires pour détecter, prévenir et signaler ces dérives, tout en respectant la loi n° 2021-033 du 31 décembre 2021 relative aux marchés publics et le décret n° 2019-097/PR du 8 juillet 2019 sur le code d’éthique et de déontologie.
La corruption : Un fléau aux conséquences dévastatrices pour le Togo
La corruption dans les marchés publics n’est pas un simple dysfonctionnement ; c’est un cancer qui asphyxie le développement du Togo. Selon une étude commandée par la Haute Autorité de Prévention et de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HAPLUCIA), 58,1 % des Togolais estiment que la corruption a augmenté au cours des 12 derniers mois, et les marchés publics, représentant un quart des dépenses nationales, sont un foyer particulièrement vulnérable. Les pertes financières, estimées à 25 % des crédits alloués aux marchés publics, privent le pays d’infrastructures vitales, d’écoles, d’hôpitaux. Pire encore, elles érodent la confiance des citoyens, alimentant un cercle vicieux de méfiance et d’inefficacité.
« Chaque franc détourné est un rêve brisé pour une communauté », a souligné Epiphanie Meteteiton Kuevanu-Houmey, représentante du PNUD au Togo, lors de l’ouverture de la formation. En appuyant l’ARCOP, le PNUD s’engage à promouvoir une gouvernance transparente, alignée sur la feuille de route gouvernementale 2020-2025, qui place la lutte contre la corruption au cœur de ses priorités. Toutefois, les administrateurs présents savent que leur tâche est herculéenne : appliquer des règles strictes dans un système où les pressions politiques et économiques sont omniprésentes.
Un combat incertain, mais une lueur d’espoir pour l’avenir
Malgré l’ampleur du défi, l’initiative de l’ARCOP et du PNUD suscite un espoir timide. Sur les réseaux sociaux, les Togolais saluent cette démarche, bien que certains restent sceptiques. « Des formations, c’est bien, mais sans sanctions exemplaires, ça reste des mots », écrit un internaute. D’autres, plus optimistes, voient dans ces efforts un pas vers une administration plus responsable. L’ARCOP, forte de son expérience, mise sur l’éducation pour transformer les pratiques.
Pourtant, le chemin est semé d’embûches. Les participants, bien que dotés d’outils, devront naviguer dans un système où les tentations sont nombreuses et les ressources limitées. L’ARCOP elle-même, malgré son autonomie, dépend de la volonté politique pour faire appliquer ses recommandations. Et dans un pays où la perception de la corruption reste élevée, la réussite de ces formations repose sur un changement culturel profond, un défi que même les meilleures intentions peinent à relever.
Lomé, épicentre d’une révolution éthique pour les marchés publics
En somme, au terme de cette session, les administrateurs ont quitté la salle avec un mélange de détermination et d’appréhension. Ils savent que leur rôle dépasse la simple gestion des contrats : ils sont les gardiens d’une promesse, celle d’un Togo où les marchés publics servent le bien commun. Lomé, capitale vibrante, devient ainsi le théâtre d’un combat silencieux mais crucial, où chaque procédure respectée est une victoire contre l’ombre de la corruption. Mais dans ce bras de fer entre éthique et avidité, le pays retiendra-t-il son souffle assez longtemps pour voir naître un avenir plus juste ?