Dans un acte qui a suscité l’indignation internationale, deux jeunes hommes ont été soumis à une punition brutale de 76 coups de fouet chacun à Banda Aceh, en Indonésie, pour avoir entretenu des relations homosexuelles, une pratique considérée comme une infraction grave dans cette région régie par la charia.
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Indonésie, le 27 août 2025 — Hier, mardi, la province d’Aceh — seule région d’Indonésie à appliquer strictement la charia — a de nouveau fait la une des journaux à la suite de la flagellation publique de deux hommes âgés de 20 et 21 ans, reconnus coupables d’homosexualité. L’exécution de la sentence, prononcée par un tribunal islamique, s’est déroulée dans le parc Bustanussalatin de Banda Aceh, où les deux hommes, identifiés comme QH et RA, ont reçu chacun 76 coups de canne en rotin devant une foule de spectateurs, dont certains filmaient la scène.
Initialement condamnés à 80 coups, leur peine a été réduite de quatre coups en raison des quatre mois passés en détention avant le procès, selon Roslina A. Djalil, responsable de l’application des lois de la charia à Banda Aceh.
Une dénonciation citoyenne à l’origine de la sentence
L’affaire a débuté le 16 juin 2025, lorsqu’un riverain a dénoncé les deux hommes après les avoir surpris en train de s’embrasser et de se tenir dans une toilette publique du parc Taman Sari. Alertée, la police de la charia est intervenue et les a arrêtés, les accusant de violer le code pénal islamique de la province, qui interdit les relations entre personnes de même sexe.
Ce code, en vigueur depuis 2015, découle de l’autonomie spéciale accordée à Aceh en 2001 par le gouvernement central indonésien pour mettre fin à une rébellion séparatiste. Contrairement au reste du pays, où les autorités ne criminalisent pas l’homosexualité, celles d’Aceh infligent jusqu’à 100 coups de fouet aux personnes reconnues coupables de tels actes. Elles appliquent également cette peine pour d’autres infractions, telles que l’adultère, la consommation d’alcool ou le jeu.
Une vague de protestations s’élève contre les droits humains en Indonésie
Cette nouvelle flagellation publique, la cinquième pour homosexualité depuis 2015, a provoqué une vague de condamnations de la part des organisations de défense des droits humains. Montse Ferrer, directrice régionale d’Amnesty International, a qualifié cet acte de « cruauté sanctionnée par l’État » et de « violation flagrante des droits humains ».
Selon un rapport de Human Rights Watch, la communauté LGBT d’Aceh vit dans un climat de peur constante, confrontée à des arrestations arbitraires, des surveillances intrusives et des violences. En février 2025, les autorités avaient déjà fouetté deux autres hommes pour des faits similaires. Après l’intrusion de résidents dans leur logement, l’un a reçu 77 coups et l’autre 82.
Un débat national sur la justice et les valeurs
La charia à Aceh, instaurée à la suite d’un accord de paix en 2005, suscite des débats intenses. Si certains habitants soutiennent ces châtiments, les considérant comme un rempart moral, d’autres, comme l’organisation ILGA Asia, dénoncent une instrumentalisation politique des lois religieuses pour cibler les minorités.
Par ailleurs, les autorités locales, de leur côté, défendent ces pratiques, arguant qu’elles visent à protéger les valeurs islamiques dans une province profondément religieuse.
Muhammad Hidayat, chef de la police de la charia, a ainsi affirmé que « l’homosexualité est largement réprouvée car c’est un acte ignoble » dans la région.
Ce même jour, les autorités de Banda Aceh ont sanctionné d’autres infractions. Elles ont fouetté trois femmes et cinq hommes pour des faits d’adultère, de proximité jugée inappropriée avec une personne de sexe opposé, ou de jeux d’argent en ligne. Ces châtiments, souvent exécutés après la prière du vendredi, attirent des foules, bien que les autorités aient parfois tenté de limiter la présence d’enfants pour éviter leur exposition à ces scènes.
En Indonésie, une réflexion est nécessaire sur les modèles de justice
Au-delà des réalités, ce dernier épisode met en lumière les défis persistants auxquels fait face la communauté LGBT à Aceh, où la surveillance citoyenne et les intrusions dans la vie privée sont monnaie courante. Alors que le gouvernement central indonésien, dirigé par le président Joko Widodo, prône une devise de « l’unité dans la diversité », les lois provinciales d’Aceh continuent de susciter des critiques pour leur incompatibilité avec les normes internationales des droits humains.
Mais au-delà de cette contradiction, la question demeure : comment construire des systèmes de justice qui respectent les identités territoriales tout en garantissant la protection des droits humains ? Comment accompagner les évolutions sociales sans nier les héritages culturels ?
Dans un monde en recomposition, où les revendications identitaires se heurtent aux principes universels, la gouvernance juridique devient un enjeu de cohésion, de transmission et de mobilisation collective.