À Klévé, quartier populaire de Lomé 2, des familles ont dressé une barricade humaine pour empêcher la destruction de leurs maisons. Face aux bulldozers et aux forces de l’ordre, elles dénoncent une éviction brutale, sans indemnisation ni dialogue. Une colère locale qui pourrait bien faire tache d’huile dans une capitale en pleine mutation.
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Lomé, 30 octobre 2025 – Mercredi matin, dans le quartier de Klévé, en pleine zone Lomé 2, à deux pas des institutions du pouvoir, des dizaines de résidents ont formé un rempart vivant pour stopper l’avancée des bulldozers. Pères de famille, mères portant leurs bébés, jeunes en furie : tous ont crié leur refus d’une éviction brutale, car elle est sans indemnité, sans recours, et sans reconnaissance des années de labeur et de mémoire.
Une matinée sous tension au cœur de la capitale
À peine le soleil levé, le grondement des engins a déchiré le calme précaire du quartier. Envoyés pour raser des habitations jugées irrégulières, les bulldozers ont trouvé en effet face à eux une marée humaine déterminée. « On ne bougera pas ! Où irons-nous avec nos enfants ? », a lancé une habitante, la voix tremblante, tandis que d’autres entonnaient des chants de protestation.
Klévé n’est pas un terrain vague. Ce quartier, situé au cœur de Lomé 2 — zone stratégique abritant la Présidence du Conseil, l’Assemblée nationale, l’OTR, l’Ambassade des États-Unis et plusieurs ministères — est au contraire le fruit de décennies d’installation. Les familles y ont bâti leur quotidien sur des parcelles acquises de longue date, qui sont cependant souvent ignorées par les grands projets d’aménagement.
À Klévé: une opération de « nettoyage » aux contours flous
Selon les autorités, la zone a été déclarée d’utilité publique afin de permettre la construction d’une cité ministérielle. Mais sur le terrain, les habitants dénoncent l’opacité des procédures. « Nous n’avons reçu aucune notification claire. Des agents sont passés, ont apposé des marques, puis nous ont parlé de mesures d’accompagnement », explique le porte-parole des résidents.
Parmi ces mesures : un montant de 5 millions de francs CFA par hectare pour acquérir des terrains en zone rurale, et une promesse d’indemnisation « à venir », laissée à la discrétion du chef de l’État. « Ce n’est pas une réserve administrative. On ne doit pas prendre nos terres par la force. On doit trouver un terrain d’entente », insiste-t-il.
Un malaise urbain qui couve depuis des mois
Cette explosion de colère s’inscrit dans un contexte plus large. Au Togo, les expropriations pour cause d’utilité publique se multiplient, souvent au détriment des plus modestes. À Klévé comme ailleurs, les habitants dénoncent des consultations bâclées, des évaluations foncières inexistantes ainsi que l’absence de compensations équitables. « Nous demandons au Président du Conseil, qui a son bureau juste à côté, de s’intéresser à notre sort et de veiller au respect de nos droits », plaident les résidents.
Les forces de sécurité, après une brève confrontation, ont regagné leurs véhicules. Mais les habitants, eux, ont promis de camper sur place, transformant leurs ruelles en forteresse de fortune. Du côté des autorités, silence radio. Seules quelques sources anonymes au ministère de l’Urbanisme évoquent des « discussions en cours » pour apaiser la crise.
À Klévé : vers une issue ou une contagion sociale ?
Il est fort probable que la fronde de Klévé cristallise un malaise plus profond. Dans une capitale en pleine mutation, où les tours s’élèvent au rythme des investissements étrangers, les oubliés des bas-fonds réclament leur part du progrès. Par conséquent, des associations de défense des droits fonciers appellent à une médiation urgente, sous l’égide d’observateurs indépendants, afin d’éviter que Klévé ne devienne le point de départ d’une contestation urbaine plus large.
Pour les familles retranchées derrière leurs barricades, l’enjeu dépasse le toit : il s’agit de dignité, de reconnaissance, de justice. À Lomé, la ville lumière d’Afrique de l’Ouest, l’ombre des bulldozers rappelle que le progrès a un prix — et que certains refusent de le payer seuls. Les prochaines heures diront si le dialogue l’emporte, ou si la colère de Klévé embrase d’autres quartiers.
