Dapaong : Les communes des Savanes se forment pour des budgets sensibles au genre
Dapaong, 9 juillet 2025 – Dans la région des Savanes, où la sécheresse et l’insécurité tissent un quotidien fragile, une lueur d’espoir s’est allumée du 2 au 4 juillet 2025. À Dapaong, 48 cadres des 16 communes de cette région septentrionale du Togo se sont réunis pour une mission aussi audacieuse que cruciale : intégrer la dimension genre dans la planification et la budgétisation locales. Soutenue par le ministère de l’Économie et des Finances, la Faîtière des Communes du Togo et le PNUD, cette formation ambitionne de faire des collectivités un rempart d’équité et d’inclusion. Cependant, dans une région où chaque jour est un combat pour la survie, ce pari sur l’égalité peut-il vraiment changer la donne, ou restera-t-il un vœu pieux face aux vents arides du nord ?
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Face à la crise, une réponse aux inégalités s’organise dans les Savanes
Dans les salles de formation de Dapaong, les discussions ont porté un poids particulier. La région des Savanes, la plus pauvre du Togo, est marquée par une insécurité croissante et des défis alimentaires qui touchent près de 500 000 personnes, selon le Programme alimentaire mondial (PAM). Par conséquent, les femmes, souvent piliers des foyers, sont les premières victimes de ces crises, privées d’accès équitable aux ressources, à l’éducation et aux opportunités économiques. C’est dans ce contexte que 48 responsables communaux – élus locaux, planificateurs et gestionnaires financiers – ont été formés pour intégrer la dimension genre dans leurs budgets et plans de développement.
Guidés par des experts du ministère de l’Économie et des Finances, de la Faîtière des Communes du Togo (fct 228) et du PNUD, les participants ont exploré des outils pratiques : analyse des impacts genrés, allocation budgétaire sensible au genre, et méthodologies inspirées de l’OCDE-DAC. « Une gouvernance qui ignore la moitié de la population est une gouvernance boiteuse », a déclaré une experte du PNUD, soulignant que les femmes représentent 51 % de la population togolaise, mais seulement 20 % des décideurs locaux. Les sessions ont mis en lumière des exemples concrets, comme l’allocation de fonds pour des centres de santé maternelle ou des projets agricoles favorisant l’autonomisation des femmes, afin de rendre les politiques communales plus inclusives.
L’intégration du genre : Un défi majeur pour la vision nationale du Togo
Cette formation s’inscrit dans un mouvement plus large, porté par la feuille de route gouvernementale Togo 2025, qui vise à faire du pays un modèle d’inclusion et de résilience. Depuis 2018, avec le soutien du FMI et du PNUD, le Togo a intégré la budgétisation sensible au genre (BSG) dans six ministères pilotes, avant d’étendre l’initiative à quatre autres en 2024. La région des Savanes, ciblée par le Programme d’urgence pour le renforcement de la résilience (PURS) depuis 2022, est une priorité. « Intégrer le genre, c’est investir dans la stabilité de nos communautés », a affirmé Kofi Agbenoxevi Paniah, secrétaire général du ministère de l’Économie et des Finances, rappelant que les budgets sensibles au genre peuvent réduire les inégalités tout en stimulant la croissance locale.
Pourtant, le tableau est loin d’être idyllique. Les communes des Savanes, comme Kountoiré et Naki-Est, manquent de ressources et de capacités techniques pour traduire ces formations en actions concrètes. Les crises sécuritaires, exacerbées par les tensions régionales, limitent l’accès des femmes aux terres agricoles et aux marchés, tandis que le taux d’alphabétisation féminin, à peine 40 % dans la région, freine leur participation aux processus décisionnels. « On nous donne des outils, mais sans moyens, c’est comme semer sur un sol aride », confie un maire d’une commune rurale, reflétant l’inquiétude des participants face aux contraintes locales.
Un espoir fragile mais concret pour l’équité
Malgré ces obstacles, l’engagement des cadres communaux offre une lueur d’espoir. Sur X, le PNUD Togo a salué l’enthousiasme des participants, certains partageant des plans pour réviser leurs budgets communaux dès 2026 afin d’inclure des projets favorisant l’égalité des sexes. Une élue de Tône a évoqué son intention de créer des coopératives féminines pour la transformation du soja, un secteur clé de la région. Ces initiatives, bien que modestes, pourraient poser les bases d’une gouvernance plus équitable.
Néanmoins, le chemin reste semé d’embûches. La région des Savanes, où 70 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, exige des investissements massifs pour concrétiser ces ambitions. Le PNUD, qui soutient également des projets comme les Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit (AVEC) dans la région, insiste sur la nécessité d’une approche multisectorielle. « L’inclusion ne se décrète pas, elle se construit pas à pas », a déclaré Epiphanie Meteteiton Kuevanu-Houmey, représentante du PNUD au Togo, appelant à une mobilisation continue des partenaires internationaux.
L’avenir des Savanes : Un combat pour l’égalité et le développement local
En somme, au terme de cette session, les 48 cadres ont quitté Dapaong avec une mission lourde de sens : faire des budgets communaux un levier pour l’égalité et la justice. Dans une région où les femmes portent le fardeau des crises, leur inclusion dans la gouvernance locale n’est pas un luxe, mais une nécessité. Lomé, à 600 km au sud, peut dessiner des stratégies ambitieuses, mais c’est dans les villages poussiéreux des Savanes que se joue l’avenir de cette révolution silencieuse. Alors que les échos de la formation résonnent encore, une question demeure : le Togo saura-t-il donner à ses communes les moyens nécessaires pour bâtir un avenir plus équitable ?