Le Togo s’équipe face au paludisme : un vaccin controversé sur la table
C’est en marge de la TICAD 9 à Yokohama que le Président Faure Essozimna Gnassingbé a reçu la directrice exécutive de GAVI, Dr Sania Nishtar. À l’issue de cette rencontre, l’annonce est tombée : le Togo introduira prochainement le vaccin antipaludique RTS,S (Mosquirix), destiné aux enfants de 5 à 17 mois.
Présenté comme une avancée majeure dans la lutte contre le paludisme, ce vaccin est déjà déployé dans plusieurs pays africains, dont le Ghana, le Kenya et le Cameroun. Il permettrait de réduire les cas graves de paludisme de 30 à 40 %. Pour un pays où cette maladie reste l’une des premières causes de mortalité infantile, l’annonce semble, de prime abord, porteuse d’un immense espoir.
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La controverse traverse les frontières : les doutes d’un militant et d’une étude
Mais derrière cet enthousiasme institutionnel, des voix s’élèvent. Le 30 juin 2024, l’activiste Egountchi Behanzin, s’appuyant sur des publications scientifiques, alertait sur les effets secondaires du vaccin RTS,S, notamment après son introduction en Côte d’Ivoire. Selon lui, une étude de ScienceMagazine aurait observé des cas de méningite, de paludisme cérébral et d’inflammation des membranes cérébrales chez des enfants vaccinés, en particulier des petites filles.
Entre faits scientifiques et mythes : le verdict des essais cliniques
Cependant, une analyse systématique publiée en juin 2025 nuance ces inquiétudes. L’étude confirme que des effets indésirables graves sont bien survenus lors des essais cliniques, mais leur fréquence reste comparable à celle que l’on observe avec d’autres vaccins pédiatriques.. Plus encore, le taux de mortalité n’a pas montré de différence statistiquement significative entre les groupes vaccinés et non vaccinés. Les données issues des programmes pilotes menés au Ghana, au Kenya et au Malawi ont d’ailleurs montré une réduction de 13 % des décès toutes causes confondues et une baisse de 22 % des hospitalisations pour paludisme sévère.
L’Organisation mondiale de la santé recommande par conséquent l’usage du vaccin dans les zones de transmission modérée à élevée, en complément des autres mesures de prévention. Mais la question demeure : comment garantir que les bénéfices du vaccin l’emportent sur les risques, particulièrement dans des contextes où les systèmes de surveillance sanitaire sont encore fragiles ?
Une décision qui engage la nation entière
L’introduction du RTS,S au Togo ne concerne pas seulement les autorités sanitaires ; elle engage les familles, les communautés et les professionnels de santé. Le défi est double : garantir une transparence totale sur les effets secondaires et renforcer les capacités locales de suivi post-vaccination. L’enjeu est de taille : dans les zones rurales, où le paludisme fait des ravages, ce vaccin pourrait offrir une protection précieuse, tandis que dans les quartiers urbains, où l’accès à l’information est plus large, les interrogations se multiplient.
Vaccin antipaludique : Au-delà des chiffres, la confiance en jeu
Le Togo s’apprête à franchir un cap historique dans sa lutte contre le paludisme. Mais ce pas, aussi stratégique soit-il, ne peut être dissocié d’un devoir de transparence, de vigilance et de responsabilité. Le vaccin RTS,S est porteur d’un immense espoir, mais aussi de questions complexes. Au-delà de la bataille médicale, comment les autorités togolaises vont-elles faire de cet enjeu de santé publique un acte de souveraineté sanitaire et consolider la confiance des citoyens ? La réponse à cette question cruciale sera déterminante pour le succès de cette nouvelle ère de la lutte antipaludique au Togo.