Togo : Faure Gnassingbé, président du Conseil des ministres, face aux revendications de sa jeunesse
Lomé, 26 juin 2025 – Depuis le 3 mai 2025, le Togo est entré dans l’ère de la Vᵉ République, marquant un tournant décisif vers un régime parlementaire. Cette réforme constitutionnelle, promulguée le 6 mai 2024, a redessiné les contours du pouvoir, propulsant Faure Gnassingbé à la tête du Conseil des ministres. Alors que la jeunesse, l’opposition et une frange de la société civile réclament sa démission, une question brûlante se pose : qui peut démettre le président du Conseil, et ces revendications peuvent-elles réellement faire basculer le destin du Togo ?
Nouvelle constitution : Le pouvoir exécutif verrouillé par Gnassingbé
La nouvelle Constitution togolaise, adoptée en avril 2024, a radicalement transformé le paysage politique. Le poste de président de la République, jadis pilier central, est désormais honorifique, occupé depuis mai 2025 par Jean-Lucien Savi de Tové, un ancien opposant âgé de 86 ans. Le véritable pouvoir exécutif repose désormais entre les mains du président du Conseil des ministres, désigné par le parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Avec une écrasante majorité de 108 sièges sur 113 remportés par l’Union pour la République (UNIR), le parti de Faure Gnassingbé, lors des élections législatives d’avril 2024, ce dernier a consolidé un contrôle quasi total de l’exécutif, et ce, sans aucune limitation de mandat.
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Cette transition a été qualifiée de « coup d’État constitutionnel » par l’opposition, déclenchant une vague de contestation. En effet, des figures de l’opposition, à l’instar de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre et les Forces démocratiques pour la République (FDR) de Paul Dodji Apévon, dénoncent une manœuvre cynique visant à perpétuer la dynastie Gnassingbé, qui règne sans discontinuer sur le Togo depuis 1967, sous le père, Eyadéma Gnassingbé, puis son fils, Faure.
L’opposition togolaise se soulève et exige la démission de Faure Gnassingbé
Le 12 juin 2025, le Cadre de réflexion et d’action pour le changement (Crac), regroupant des partis d’opposition et des organisations de la société civile comme le Front citoyen Togo-debout, a publiquement exigé la « démission immédiate » de Faure Gnassingbé. Selon le professeur David Dosseh, membre éminent du Crac, « des violences politiques, des difficultés économiques et une corruption endémique » ont gangrené le régime actuel au cours des vingt années de présidence de Faure Gnassingbé. Ces accusations s’appuient sur un bilan jugé désastreux, tant sur le plan économique que social, et sur une réforme constitutionnelle adoptée sans référendum ni véritable consultation populaire.
En plus, les forces de l’ordre ont brutalement réprimé des manifestations populaires qui ont éclaté, notamment les 5 et 6 juin 2025, où elles ont arrêté 56 personnes avant de les libérer par la suite. L’opposition, soutenue par une partie grandissante de la société civile, appelle à une mobilisation continue pour contrer ce qu’elle perçoit comme une « dérive monarchique », avec des rassemblements prévus les 27 et 28 juin, en plus de ceux qui ont eu lieu ce 26 juin.
Mission impossible : Démettre le président du Conseil
Selon l’article 47 de la nouvelle Constitution, le président du Conseil des ministres est désigné par le parti ou la coalition majoritaire à l’Assemblée nationale et peut être démis par une motion de censure. Or, dans le contexte politique actuel, où l’UNIR domine le Parlement avec une majorité écrasante de 108 sièges sur 113, il est pratiquement impossible pour l’opposition de démettre Faure Gnassingbé par des moyens institutionnels.
En effet, la destitution du président du Conseil nécessiterait une perte de la majorité parlementaire d’UNIR, un scénario hautement improbable étant donné les résultats des dernières élections législatives, d’ailleurs entachées d’allégations de fraudes et de bourrages d’urnes. De surcroît, la Cour constitutionnelle, censée arbitrer les litiges institutionnels, est perçue par l’opposition comme étant alignée sur le pouvoir en place.
Les revendications de la jeunesse : Une lutte semée d’embûches
Les appels à la démission de Faure Gnassingbé, bien que véhéments, se heurtent à de nombreux obstacles. Tout d’abord, le régime parlementaire actuel, conjugué à la mainmise d’UNIR sur l’Assemblée, offre peu de leviers institutionnels à la jeunesse pour provoquer un changement. De plus, la répression des manifestations, et l’interdiction de certains rassemblements, comme à Sokodé, attestent d’un durcissement du régime face à la contestation populaire.
Cependant, les instigateurs de ces mouvements s’appuient sur la mobilisation populaire et l’éventuelle pression internationale. À titre d’exemple, en 2017-2018, des manifestations massives avaient déjà ébranlé le régime, sans toutefois aboutir à une alternance. Nathaniel Olympio, leader du Parti des Togolais, l’affirme avec conviction : « le peuple togolais dira non à Faure Gnassingbé », soulignant une résistance populaire croissante.
Par ailleurs, sur la scène internationale, Faure Gnassingbé maintient une image de médiateur régional, notamment dans les crises au Mali, au Niger ou encore entre le Rwanda et la RDC. Cette stature pourrait potentiellement atténuer les pressions extérieures, même si des organisations comme la CEDEAO ont critiqué leur inaction face aux dérives autoritaires observées au Togo.
Togo : L’impasse politique ?
Pour les citoyens togolais, la compréhension de la dynamique actuelle du pouvoir est cruciale. La transition vers la Ve République a concentré le pouvoir exécutif entre les mains du président du Conseil, Faure Gnassingbé, qui bénéficie désormais d’un contrôle quasi total sur les institutions. Les revendications de la jeunesse, bien qu’ancrées dans des griefs légitimes – stagnation économique, corruption, répression politique – manquent pour l’instant de moyens institutionnels pour aboutir à une démission effective.
Les Togolais doivent également être conscients des défis inhérents à la mobilisation populaire dans un contexte de répression et de la nécessité impérieuse d’avoir une opposition unie et mieux organisée pour concurrencer la puissante machine électorale d’UNIR. Comme le souligne le Ministre Gilbert Bawara, le pouvoir considère que l’opposition manque de pragmatisme et d’implantation sur le terrain, une critique qui pourrait refléter la fragmentation des forces d’opposition.
Alors que les manifestations se poursuivent et que l’opposition maintient la pression, le Togo semble s’installer dans une nouvelle phase de tensions politiques. Les revendications pour la démission de Faure Gnassingbé, bien que symboliques d’un désir profond d’alternance, peinent à s’imposer face à un régime solidement ancré. Pour les Togolais, la question demeure entière : la mobilisation populaire sans pression internationale suffira-t-elle à ébranler un pouvoir dynastique qui, depuis 58 ans, semble indéboulonnable ? Le pays connaîtra-t-il une impasse politique, ou un changement est-il encore possible ?