Un colloque international sur l’ECO, annoncé à Lomé

La capitale togolaise accueillera du 26 au 28 mai prochain, une conférence internationale sur la future monnaie ouest-africaine, l’Éco. 

L’événement, initié par la Faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université de Lomé, et son ancien doyen Kako Nubukpo, (recemment nommé à l’Uemoa), vise un double objectif : “Réfléchir sur la transition monétaire et l’urgence du développement de l’Afrique, puis définir une feuille de route à soumettre aux dirigeants de la Cedeao”.

Il s’agira pour les conférenciers de plancher notamment sur “l’économie politique de l’Eco, la convergence et l’optimalité de la Zone Eco”, ou encore “les perspectives de développement de la Cedeao”.

Sont attendus à Lomé, des personnalités de renom, à l’instar du président de la Boad, Serge Ekue, des économistes Lionel Zinsou, Carlos Lopes, Achille Mbembe ou Nadim Kalife.

Programmée pour devenir à terme la monnaie unique ouest-africaine, la future devise est pour l’heure confrontée à de nombreux écueils qui retardent son lancement officiel.

Source : PORTAIL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE TOGOLAISE

Le processus de transition de l’Uemoa vers l’Eco rejeté par des pays de la Cedeao

Les réformes monétaires annoncées le 21 décembre 2019 par l’Ivoirien Alassane Ouattara, le président en exercice de la Conférence des chefs d’Etat de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) n’est pas du goût des pays anglophones de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et de la Guinée, réunis au sein de la Zone monétaire ouest-africaine (ZMAO). Ce qu’ils ont fait savoir en marge d’une réunion extraordinaire des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des six Etats, tenue jeudi 16 janvier à Abuja.

Ces pays indiquent avoir « noté avec préoccupation la déclaration visant à renommer unilatéralement le franc CFA en Eco d’ici juillet 2020». Il s’agit, pour eux, d’une « action » qui « n’est pas conforme aux décisions » de la CEDEAO en vue de « l’adoption de l’Eco comme nom de la monnaie unique » de toute la région. Une décision « unilatérale », soulignent-ils.

Par ailleurs, le Nigeria, le Ghana, le Liberia, la Sierra Leone, la Gambie et la Guinée (Conakry) « réitèrent l’importance pour tous les membres de la CEDEAO d’adhérer aux décisions de l’autorité des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO concernant la mise en œuvre de la feuille de route révisée du programme de monnaie unique ». D’ailleurs,  ils annoncent pour « bientôt », un sommet réunissant leurs chefs d’État pour, indique un communiqué, décider de la conduite à tenir.

Pourtant le Ghana, deuxième économie de la région après le Nigeria, avait annoncé avec enthousiasme fin décembre 2019, sa détermination à rejoindre la zone monétaire « Eco » de l’UEMOA, saluant les réformes monétaires annoncées quelques jours plus tôt par les pays de la région francophone.

Source : togobusinessnews.com

Interview/Kako Nubukpo : « Ne jetons pas l’ECO avec l’eau du FCFA!»

Il s’est déjà prononcé il y a quelques jours (sur sa page Facebook), d’ès l’annonce de l’abandon du franc CFA par les président Alassane Ouattara et Emmanuel Macron en 2020, mais l’un des portes paroles de la lutte anti CFA,  l’économiste togolais Kako Nubukpo revient encore une fois sur le sujet dans une interview avec Lepoint Afrique. L’ancien ministre de la Prospective du Togo paraît plutôt très optimiste. Un revirement de celui-là que l’opinion internationale savait très critique ?  Lire l’interview ici diffusée en intégralité ?

 

Peut-on réellement qualifier d’historique l’annonce du remplacement du franc CFA par l’éco dans huit pays d’Afrique de l’Ouest ?

C’est une décision historique pour deux raisons. Premièrement, c’est la première fois depuis 75 ans qu’on change le nom de cette monnaie. C’est-à-dire que depuis le 26 décembre 1945, et malgré les différentes évolutions, on a gardé l’acronyme CFA pour « colonies françaises d’Afrique ». Ce qui fait que dans l’imaginaire populaire, le CFA n’a pas bougé. Mais étant de l’école institutionnaliste, je pense que la monnaie dépasse le seul cadre de l’économie. Parce que c’est ce qui renvoie à votre identité. Il suffit de se rappeler les débats qui ont eu lieu au moment de la création de l’euro. L’Allemagne ne voulait pas abandonner le deutsche mark parce que le mark, c’est l’identité allemande. Vous ne pouvez pas aujourd’hui demander aux Américains de compter en yen parce que leur identité, c’est le dollar. L’unité de compte de la monnaie, c’est la fonction première de la monnaie. La monnaie est un fait social total. Ce n’est pas que de l’économie. Et donc la décision qui a été annoncée samedi est un fait historique, un fait politique et un fait sociétal. La dimension symbolique est aussi importante que le reste. Et donc, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, le changement de nom de la monnaie est une rupture par rapport à l’ordre existant. De plus, ce nom est celui choisi pour la future monnaie unique des 15 pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Après, les modalités de cette rupture peuvent ne pas être évidentes tout de suite.

Deuxièmement, il faut souligner la fermeture du compte d’opération et le renoncement par Paris du dépôt d’au moins 50 % des réserves de change des pays de la zone franc auprès du Trésor français avec en sus le retrait des Français de toutes les instances de décisions de l’UEMOA. Toutes ces décisions marquent bien la fin d’une époque, puisque la France sort de la gestion monétaire quotidienne des États de l’UEMOA.

 

Quels sont les ressorts qui ont conduit la France à opérer un tel revirement après des années de statu quo ?

C’est un faisceau de convergences qui a conduit à accélérer les choses. Il y a eu un élargissement des parties prenantes dans le débat qui a permis de banaliser au sens positif du terme, ce qui apparaissait au départ comme une polémique. Cela a permis d’analyser les termes du débat et finalement de le médiatiser aussi. Et moi, je vois quatre parties prenantes qui ont impulsé la décision des chefs d’État français et africains.

Il y a le travail des chercheurs et économistes. J’ai coécrit avec d’autres collègues l’ouvrage Sortir l’Afrique de la servitude monétaire : à qui profite le franc CFA ?, sorti en 2016. Il y a eu mon histoire personnelle et douloureuse avec mon éviction de l’Organisation internationale de la Francophonie après la publication d’une tribune dans le Monde Afrique en 2017 à la suite de la visite du président Macron à Ouagadougou. Il y a eu des colloques ouverts au public, des émissions grand public et j’ai encore tout récemment consacré tout un chapitre au franc CFA dans mon dernier ouvrage.

Ensuite, il y a les sociétés civiles africaines et les diasporas qui se sont mobilisées. On a aussi vu des figures comme Kémi Séba qui a été jusqu’à brûler un billet de 5 000 francs CFA en public à Dakar. Différents mouvements comme Y’en a marre au Sénégal, le Balai citoyen au Burkina Faso qui ont aussi rué dans les brancards. Le rôle de ces divers acteurs a été fondamental, car ce sont eux que le président Emmanuel Macron a écoutés. Selon moi, le président français a joué un rôle parce que n’oublions pas qu’il a créé le Conseil présidentiel pour l’Afrique, dont le rôle est de remonter les souhaits des sociétés civiles africaines du continent et de ses diasporas.

Le deuxième bloc, c’est le Fonds monétaire international. En 2016, Christine Lagarde s’était déplacée en personne à Yaoundé pour solliciter de la part des chefs d’État de l’Afrique centrale une dévaluation du franc CFA, parce qu’elle estimait que les réserves de changes de la Cemac étaient quasiment proches de zéro. Depuis la dévaluation de 1994, le FMI est resté très vigilant sur la gestion monétaire dans la zone franc, c’est un élément de pression additionnel.

Le troisième bloc, c’est la Chine. Il y a une poussée de la Chine sur le plan économique, mais aussi monétaire. Parce que nos États se sont fortement endettés vis-à-vis de la Chine et ont été obligés de négocier avec le FMI pour des remises de dettes. Je donne l’exemple du Congo-Brazzaville. La Chine est rentrée dans la zone franc par le biais de l’endettement et aussi par le biais de ce qu’on appelle « l’Angola mode ». Depuis le 15 août 2016, l’Angola a adopté la monnaie chinoise ayant cours légal et pouvoir libératoire sur tout le territoire. En août 2018, le Nigeria aussi a passé un accord avec la Chine qui permet de contourner le dollar et l’euro pour faire des transactions entre le yuan chinois et le naira nigérian. En fait, cette internationalisation des échanges a donné l’impression que le franc CFA était une sorte de relique coloniale. Le dernier bloc, c’est l’arrivée dans le débat de pays européens comme l’Italie, qui a fortement attaqué la France en disant qu’avec le franc CFA elle maintenait des colonies en Afrique pour citer les propos de Luigi Di Maio et Matteo Salvini au printemps dernier. Puis il y a eu le sommet Russie-Afrique de Sotchi où les Russes ont clairement pris fait et cause pour les anti-CFA.

 

Pourquoi la décision de mettre fin au franc CFA ne concerne-t-elle que la zone UEMOA et non l’ensemble des quinze pays ?

La Cedeao, qui a enclenché le 29 juin 2019 à Abuja son processus de création d’une monnaie commune, a par ce fait favorisé l’évolution en Afrique de l’Ouest. C’est-à-dire que l’alternative crédible est déjà mise en branle. Vous n’avez pas le même processus en Afrique Centrale. Ensuite, il y a effectivement les Comores, qui n’ont pas pour le moment d’autre d’alternative. Mais la situation peut tout à fait évoluer dans les prochaines semaines ou les prochains mois pour l’Afrique centrale et les Comores.

 

Est-ce que la réforme annoncée du CFA ne va pas « court-circuiter » le projet de monnaie unique de la Cedeao qui englobe les quinze pays de la zone ouest-africaine ?

C’est le contraire. On peut dire que les décisions qui ont été annoncées vont faciliter la mise en place de l’éco. D’un côté, nous avons, la Cedeao qui a décidé lors du sommet du 29 juin 2019 à Abuja de créer en 2020 une monnaie commune appelée l’éco. Dans ces textes, l’organisation a mis en place des critères de convergence. Il y en a six qui portent notamment, sur le déficit budgétaire, sur l’inflation, sur la dette, sur les réserves de change, etc. Or il se trouve qu’aujourd’hui ce sont les pays de l’UEMOA qui respectent le mieux ces critères. Tout simplement parce qu’ils existent déjà au sein de l’UEMOA depuis 1999.